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De ce qu’une lésion, du lobe postérieur, par exemple, coexiste avec l’aphasie, il ne s’en suit pas qu’elle tienne cette dernière sous sa dépendance. Chez les vieillards surtout, les lésions cérébrales sont fréquemment multiples, parce que la cause qui produit chez eux le ramollissement cérébral (l’obstruction artérielle), agit simultanément sur un bon nombre de départements vasculaires ; et nul doute que maint observateur n’ait laissé échapper une petite lésion de la troisième circonvolution frontale, si son attention était détournée par une grosse lésion située ailleurs, surtout s’il n’était pas très-exercé à l’investigation si délicate du système nerveux. Personne d’ailleurs ne conteste que des symptômes nerveux divers, et notamment que l’aphasie, surtout quand elle n’est pas très-persistante[1], puissent exister sans lésion apparente, c’est-à-dire sans qu’une altération quelconque soit appréciable à nos moyens d’exploration encore imparfaits.

3o J’arrive à la troisième catégorie, c’est-à-dire aux lésions des lobes frontaux sans aphasie. Là encore il s’est glissé des erreurs d’observation, dans les histoires antérieures à ces dernières années. Puis c’est surtout sur le champ de bataille, c’est-à-dire dans des conditions peu favorables à une observation exacte, qu’on rencontre des destructions du cerveau fort étendues. Parfois, il est vrai, les blessés ont paru conserver l’intégrité du langage, mais dans ces on n’a jamais mentionné explicitement à l’autopsie la lésion de la troisième circonvolution gauche. Si un lobe cérébral était tout entier détruit, c’était le droit.

Car, il importe de le remarquer, les lésions de la troisième circonvolution frontale droite peuvent ne pas s’accompagner d’aphasie, tandis que les lésions de la troisième circonvolution frontale gauche entraînent toujours des troubles du langage. De là, doit-on conclure que les divers territoires de l’hémisphère gauche ne sont pas fonctionnellement symétriques avec ceux de l’hémisphère droit ? Bien des motifs qu’il est hors de propos de rapporter ici sont contraires à cette hypothèse ; au contraire l’explication suivante est toute naturelle :

On sait qu’à cause d’un entrecroisement des nerfs à la base du cerveau (disposition anatomique connue depuis Galien), c’est à l’hémisphère gauche du cerveau que correspond le côté droit du corps. Or, puisque nous sommes naturellement droitiers de la main, il faut nécessairement, suivant l’expression de M. Broca, que nous soyons gauchers du cerveau. En d’autres termes, puisque c’est la main droite qui nous sert le plus dans les divers actes de la vie, et qu’elle n’est

  1. Par exemple, celle qui accompagne certains accès de migraine.