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ceptions et de reconnaître la distinction logique de leurs aspects.

En systématisant les conceptions relatives à l’organisme et à ses fonctions, nous devons tenir ferme aux enseignements de l’Expérience, et toutes nos inductions qui dépassent ou qui devancent la sensation, doivent être modelées sur l’Expérience. Maintenant, c’est un fait d’expérience que la Sensation et la Pensée sont dans un tel contraste avec la Matière et la Force ; que les symboles représentent des concrets si profondément différents — qu’il y a la plus grande difficulté pour reconnaître l’identité d’existence sous une telle diversité d’aspect. Partant de ce fait de la différence, l’hypothèse spiritualiste invoque une diversité correspondante dans les substrata : elle postule l’existence d’une entité spirituelle qui est dans l’organisme matériel mais non hors de lui. Elle regarde le corps comme une machine qui est mise en mouvement par un machiniste qui surveille et règle ses mouvements. Ce machiniste a été diversement conçu comme Principe Vital ou Âme ; bien que directement connu par la conscience, il est un mystère impénétrable, et le mode d’opération par lequel il détermine les mouvements organiques, ne peut jamais être découvert. L’Hypothèse matérialiste de mouvements moléculaires n’est pas simplement contradictoire, elle est inconcevable — le gouffre qui sépare le mouvement de la sensation étant infranchissable. Le matérialiste lui-même ne proclame4-il pas que le passage de l’un à l’autre est un mystère insoluble ?

Aussi longtemps que le vieux dualisme de la Matière et de l’Esprit ne se sera pas transformé dans la théorie du double point de vue de l’objectif et du subjectif, la difficulté intellectuelle que nous venons de signaler sera le point d’appui de l’hypothèse spiritualiste. De plus, à la répugnance intellectuelle s’est ajoutée une répugnance morale. Plusieurs personnes qui rejettent l’hypothèse d’un Principe Vital comme un embarras scientifique qui gêne la recherche plutôt qu’il ne l’aide, s’attachent à l’hypothèse équivalente d’un Principe psychique, non-seulement parce qu’elle a son utilité, mais parce qu’elle est une sanction. Dans leur folle crainte de perdre dans cette hypothèse une grande sanction de la moralité, ce qui vient d’une honorable intention, ils s’attachent à elle malgré l’évidence, et préfèrent l’ignorance qui propose la sanction comme une base, à une connaissance qui menace de la faire rejeter. S’ils pouvaient voir une seule fois qu’après tout, le matérialisme n’est qu’une hypothèse, et qu’elle ne peut, qu’elle soit vraie ou fausse, altérer les faits qu’elle a entrepris de coordonner, ils admettraient que si leur répugnance peut être rationnelle au point de vue intellectuel, elle ne l’est pas