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analyses. — véra. Problema dell' Assoluto.

dériver toutes choses d’un principe capable de les expliquer, à savoir l’absolu ; Darwin tire les formes de la vie de rien, et sa théorie comme sa genèse n’a pas d’autre principe que le chaos. C’est ce qu’on va démontrer par l’examen des causes invoquées pour expliquer l’évolution des êtres vivants.

Et d’abord la cause essentielle de la transformation d’après Darwin, c’est la sélection naturelle. Il est vrai que la théorie a varié, s’est en quelque sorte transformée elle-même, et cela avec une singulière rapidité. Schmidt prétend que quand bien même la sélection naturelle devrait être rejetée, les autres causes invoquées suffiraient à soutenir cette théorie ; et Hœckel incline à penser que la cause génératrice de l’espèce n’est pas la sélection, mais une conséquence mécanique de l’hérédité, et que le perfectionnement du type est l’œuvre de l’adaptation. La sélection ne serait plus le principe qui crée l’espèce, mais celui qui la reçoit de l’hérédité, et la perfectionne. Mais ni Schmidt, ni Hœckel n’ont qualité pour substituer du vivant de Darwin un nouveau Darwinisme à celui que tout le monde connaît et dont les traits essentiels viennent d’être confirmés par de récents ouvrages du maître. Du reste, logiquement, la sélection est la clef de voûte du système : c’est elle qui doit en rendre raison ; c’est par une critique de la sélection qu’il doit être mis à l’épreuve.

De la sélection naturelle. D’après le témoignage de Darwin (lettre à Hœckel), c’est le spectacle des procédés employés et des résultats obtenus par les éleveurs d’animaux domestiques qui lui fit concevoir l’idée que la nature pouvait agir suivant des procédés analogues : la sélection artificielle lui a fourni le modèle de la sélection artificielle. La nature d’après lui a opéré et opère encore comme le fait l’homme. Or, il y a là un paralogisme ; « un de ces arguments par analogie, si trompeurs, qui dissimulent et faussent le point essentiel de la question, à savoir : la différence. » Dire que l’homme a modifié la nature organique et que la nature s’est elle-même modifiée par les mêmes moyens, c’est dire que la nature et l’esprit ont les mêmes attributs, les mêmes puissances, en d’autres termes sont la même chose. Ce raisonnement, en niant la différence de la nature et de l’esprit, nie en même temps leur raison d’être, la raison d’être des choses reposant précisément sur leur différence. Si la nature peut faire ce que fait l’esprit et réciproquement, l’un et l’autre se confondent et s’évanouissent, puisqu’encore une fois ils n’existent qu’en tant que différant l’un de l’autre. On devrait, ce semble, conclure de ce que l’homme peut modifier les espèces précisément que la nature ne le peut pas. D’une essence à l’autre, d’une puissance à l’autre, il y a un large intervalle que Darwin n’a pu franchir que par un saut dans le vide. Mais quoi ? l’homme a-t-il donc pu créer des espèces ? Non certes ; et le raisonnement va paraître tout à fait hardi, si on le ramène à ses véritables éléments : l’homme ne peut pas changer les espèces, il ne peut que les modifier très-légèrement par la création des variétés ; donc la nature, en employant les