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HERBERT SPENCER. — PSYCHOLOGIE COMPARÉE DE L’HOMME

la génération précédente, sans que cette nouvelle génération cherche à se rendre compte de la raison d’être de ces coutumes, implique une tendance à l’imitation qui domine la tendance à la critique et au scepticisme ; c’est ainsi que se perpétuent des coutumes que l’on ne peut expliquer. On devrait étudier la diminution de cette imitation sans raison, qui est plus puissante chez les races sauvages et qui est plus faible chez les races civilisées, dans ses rapports avec les divers degrés successivement plus élevés de la vie sociale ; car cette tendance à l’imitation profite et nuit en même temps à la civilisation ; elle lui profite en ce qu’elle donne à l’organisation sociale cette fixité sans laquelle une société ne peut exister ; elle lui nuit en ce qu’elle offre une résistance aux changements de l’organisation sociale qui sont devenus désirables.

Absence de curiosité. — Les hommes civilisés disposés à étudier la vie sauvage à leur propre point de vue, s’imaginent que les sauvages s’étonnent grandement, quand ils voient pour la première fois les merveilles de la civilisation. Mais ils se trompent quand ils supposent que le sauvage ressent ce qu’ils ressentiraient à sa place. L’absence de curiosité rationnelle relativement à ces nouveautés incompréhensibles est un caractère que l’on a remarqué chez tous les peuples très-sauvages ; et les peuples à demi-civilisés, se distinguent des sauvages en ce qu’ils éprouvent une curiosité rationnelle. Il faudrait étudier ce caractère dans ses rapports avec la nature intellectuelle, avec la nature émotionnelle et avec l’état social.

Qualité de la pensée. — Sous ce titre un peu vague on peut comprendre des recherches fort étendues : 1o Le degré de généralité des idées ; 2o le degré d’abstraction des idées ; 3o le degré de détermination des idées ; 4o le degré de cohérence des idées ; 5o dans quelle mesure se sont développées certaines notions, telles que celles de classe, de cause, d’uniformité, de droit, de vérité. Beaucoup de conceptions nous sont devenues si familières que nous les regardons comme une propriété commune à toutes les intelligences ; or, elles ne sont pas plus l’apanage des sauvages qu’elles ne sont celui de nos propres enfants. La comparaison des races devrait donc se faire de façon à élucider les procédés qui amènent de semblables conceptions. Il faut dans chaque cas observer ce développement : 1o indépendamment, dans tous ses degrés successifs ; 2o dans ses rapports avec les conceptions intellectuelles co-opérantes ; 3o dans ses rapports avec les progrès du langage, des arts et de l’organisation sociale.

Les données de la linguistique ont déjà servi à ces recherches, mais il faudrait en faire un emploi plus systématique. Il faut non-