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a dans la plante des parties où l’énergie solaire est accumulée et emmagasinée à l’état potentiel par un travail qui consiste en une fixation de carbone et une émission d’oxygène, et d’autres parties au contraire où cette énergie est dépensée de diverses manières, mais surtout par une oxydation qui met en liberté de l’acide carbonique avec dégagement de chaleur, — les parties où l’énergie est accumulée, signalées par la présence de la chlorophylle, sont toujours vertes, et les parties où elle est dépensée, signalées par la présence de divers pigments, sont de couleurs différentes, rouges, jaunes, brunes ou violettes. D’une part on a la feuille, d’autant plus active au travail végétal qu’elle est d’un vert plus intense ; d’autre part, les bulbes, les bourgeons et les jeunes pousses privées de lumière, les fleurs, les fruits, les feuilles mourantes. La différence de fonction semble résulter précisément de la manière dont les deux groupes de tissus se comportent à l’égard des rayons lumineux. Les champignons, les vrais parasites, les saprophytes ne forment qu’une exception apparente à cette règle ; car ils se nourrissent de matières organiques et ont, comme les parties de la plante qui dépensent au lieu de produire, un régime en quelque sorte animal : de là l’absence de chlorophylle et des couleurs souvent éclatantes.

Maintenant étant donnée cette source de variations purement adventices, les insectes avaient-ils ce qu’il leur était nécessaire pour s’emparer de cette riche matière et en faire sortir, comme les plantes elles-mêmes les y invitaient, la flore des derniers âges ? Il n’est pas douteux que les insectes discernent les couleurs. Lubbock a fait à ce propos, sur les abeilles et les guêpes, des expériences décisives, que nous raconterons tout à l’heure : le fait de l’imitation en vue de la protection concourt également à établir que les insectes ont cette faculté. Ainsi donc, d’une part les insectes pouvaient profiter de l’avantage considérable que leur offrait la plante et la plante pouvait tirer parti de la ressource précieuse que lui présentaient les insectes : ces deux possibilités ont-elles suffi ? L’échange a-t-il eu lieu en réalité ? Apparemment, puisque, en fait, les plantes fécondées par le vent ont presque toutes des fleurs insignifiantes comme couleurs, tandis que les fleurs entomophiles sont toutes brillamment parées ; puisque les premières sont réduites aux organes essentiels et que les secondes sont munies de larges enveloppes peintes. Une vérification expérimentale a même été tentée et a réussi ; des fleurs privées de leurs ornements ont cessé d’être visitées par les insectes. Que faut-il de plus ? Du reste, la géologie peut servir à contrôler la théorie ; si elle est vraie en effet, les plantes entomophiles et les insectes brillants ont dû se développer parallèlement ; leurs