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delbœuf. — le sommeil et les rêves

possible de son origine. Or la solution du problème de la propagation des êtres vivants est de nature à jeter quelque lumière sur le but final de la lutte pour l’existence. À ces divers titres, les pages qu’on va lire ne sont pas un pur hors-d’œuvre.

Considéré dans sa cause et dans son produit, le phénomène de la génération est bien de nature à plonger l’esprit du philosophe dans l’admiration et la stupeur. Quel que soit le mode de reproduction sur lequel sa pensée s’arrête — fissiparité, hermaphrodisme, sexualité — son intelligence reste confondue. Et l’homme, l’homme doué de conscience et de réflexion, l’homme si fier de sa raison et qui fait sonner si haut sa liberté, partage avec la plus infime des créatures un instinct qu’il qualifie parfois de brutal ; une force impérieuse, irrésistible, le pousse à certains moments dans les bras d’une femme qui obéit de son côté à une impulsion semblable ; une infiniment petite portion de son corps se détache, se mêle à une autre infiniment petite portion du corps de la femme, et une nouvelle créature humaine est formée. Cette créature, fruit de la pénétration de la substance de l’œuf par la substance d’un spermatozoïde, — car, d’après les recherches les plus récentes, un seul de ces éléments parait suffire pour féconder l’ovule, — cette créature, dis-je, qui tient seulement de son père une particule unique tellement ténue, qu’il faut de puissants microscopes pour la rendre visible, et qui va se développer sans plus avoir avec lui aucun rapport, cette créature reproduira non seulement le type de l’espèce, mais souvent jusque dans ses traits, son teint, la disposition de ses dents, la couleur de ses cheveux et de son iris, dans ses malades, ses mutilations même accidentelles, dans son caractère, ses défauts et ses qualités, elle offrira la vivante image de celui qu’on est convenu d’appeler l’auteur de ses jours. Et cette influence du spermatozoïde s’exerce à travers tous les accidents de la nutrition, de l’éducation et du cours des années. Quelquefois — chose non moins étonnante — c’est la figure de l’aïeul qui se retrouve dans le petit-fils. On voit même tel signe de la race ou de la famille se perpétuer à travers une longue suite de générations, malgré les croisements de toute nature Enfin — et, à mes yeux, c’est là le plus mystérieux encore de tous les mystères — cette ressemblance du père se marquera chez la fille. De sorte que cet homme aura légué à son enfant la forme de ses sourcils, de ses dents ou de ses ongles, et ne lui aura pas transmis sa barbe et les autres attributs de son sexe !

Il y a dans cette dernière observation un profond sujet d’étude. Il prouve, ce me semble, que le spermatozoïde et l’œuf ont les caractères du sexe moins prononcés qu’on ne serait tenté de le croire au premier abord, et que, peut-être, la sexualité de l’enfant tient à des