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g. séailles. — philosophes contemporains

buts qui sont les conséquences de sa définition, quand on a établi que le Dieu idéal est immuable, immobile, relégué par delà le temps et l’espace, pour achever de le déterminer, il faut, à l’exemple de Platon et des grands idéalistes, construire le monde des idées, dégager les divers types de perfection, les grouper selon leur ordre hiérarchique, et s’efforcer d’en concentrer tous les rayons dans l’idée des idées, dans l’idée du bien principe et foyer de toute lumière.

Dieu n’existe pas ; s’il en fallait une preuve nouvelle, nous la trouverions dans les absurdités de la théologie, dans les efforts stériles des plus grands esprits pour saisir l’idée du parfait et pour en condenser les éléments dans une existence intelligible. L’Être parfait existe, nous disent tous les grands théologiens, Descartes, Fenélon, Bossuet, Leibniz, et telle est leur unanimité qu’on hésite à les contredire, pris d’humilité devant leur génie. On les croirait sur parole s’ils n’essayaient de se faire comprendre. Mais ils nous parlent d’évidence, et ils nous demandent sans cesse de penser contre toutes les lois de la pensée, de concevoir l’inconcevable, de construire des jugements avec des termes contradictoires. L’Être parfait existe, et il est en dehors de toutes les conditions d’existence, en dehors de l’espace et du temps, du mouvement et de la vie ; il est la souveraine intelligence, et il ne peut penser, car la pensée, par le développement logique des idées et des choses, troublerait son immuable sérénité ; il est la suprême liberté, et il n’hésite pas, il ne délibère pas, ne choisit pas ; il est l’activité toute-puissante, et il ne peut modifier par un acte nouveau sa suprême perfection. Autant de contradictions que d’attributs. Ce Dieu n’est rien, puisqu’on ne lui accorde pas un attribut qu’on ne le lui retire aussitôt en supprimant tout ce qui en fait la réalité. Ce n’est pas encore assez : ce Dieu, qui ne peut bouger sans sortir de sa perfection, est le créateur du monde, et le voilà qui par cet acte, double contradiction I tombe dans le temps et modifie les conditions de son existence, qui doit rester immuable. Si du moins le monde était parfait, nul ne songerait à interroger Dieu. Mais il n’est pas jusqu’à l’optimisme béat des Pangloss qui ne soit contraint d’avouer l’existence du mal. Il y a des imprévoyances qui déconcertent l’esprit ; la nature a ses tempêtes, ses fureurs, ses révolutions, et les théologiens naïfs parlent des colères de Dieu. Il y a des prodigalités effroyables, parce qu’elles aboutissent à des destructions prodigieuses. Avec la conscience apparaît la douleur ; la vie des uns sort de la mort d’autres ; la guerre est la loi, la guerre pour le massacre ; en vain l’homme cherche à organiser sa vie, à se mettre en accord avec son milieu, sa raison trouve toujours des contradictions dans la déraison du monde, la mort stupide frappe au hasard, les