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notices bibliographiques

suite la réduction des phénomènes à une succession de vaines apparences, par suite encore l’impossibilité de fonder la science et la morale, tels sont en résumé les griefs de M. Barzellotti contre le positivisme. Jusque-là, on peut être de son avis, mais ne va-t-il pas un peu loin quand il prétend le rendre responsable en grande partie des abus de la force qui déshonorent la politique contemporaine, et du relâchement, général, selon lui, de tous les liens sociaux et domestiques ?

Y.

Arnoldt. Kant’s Prolegomena nicht doppelt redigirt. Widerlegung der Benno Erdmann’schen Hypothèse. (Berlin, LeoLiepmannssohn 1879. Broch., 78 p.).

Les lecteurs de la Revue connaissent la thèse ingénieuse de M. Benno Erdmann au sujet des Prolégomènes de Kant[1]. Kant aurait d’abord entrepris de donner un résumé populaire de sa Critique de la raison pure ; mais, avant d’avoir achevé ce travail, il aurait été amené à y insérer un rapide historique de ses pensées et des éclaircissements particuliers, pour répondre aux objections que dans l’intervalle on lui avait faites de divers côtés et notamment dans le Journal des savants de Göttingue. Les Prolégomènes auraient donc été rédigés en deux fois, et il serait possible, autant que profitable pour l’histoire du développement de la pensée de Kant, de distinguer les deux parties d’origine différente. — C’est contre cette hypothèse de M. Erdmann que s’élève M. Émile Arnoldt, déjà connu, je crois bien, par une dissertation sur l’idéalité transcendantale du temps et de l’espace d’après Kant. M. Arnoldt a dû en effet étudier Kant d’assez près. Malheureusement, le ton acrimonieux de sa polémique et les insinuations malveillantes ou ironiques dont elle est semée font douter s’il écrit pour défendre la cause de la vérité, ou simplement pour faire montre de son érudition et dauber un confrère en dévotion kantienne. En tout cas, un tel procédé de discussion ne peut que rebuter le lecteur français.

En laissant de côté les personnalités malsonnantes et les chicanes sans portée, je ne vois à signaler que l’objection suivante : Les témoignages contemporains, et particulièrement les lettres de Hamann, invoqués par M. B. Erdmann en faveur de sa thèse, se laissent interpréter aussi bien en un sens différent. On peut supposer, par exemple, que Kant a songé un moment à écrire un abrégé populaire de sa Critique et l’a même promis à l’éditeur. Mais rien ne prouve qu’il ait commencé ce travail, dont Schultz devait se charger, presque sous les yeux du maître, deux ou trois ans plus tard. Hamann avait entendu parler de ce projet ; mais il ne savait pas s’il s’agissait d’un résumé populaire ou « au contraire » d’un manuel de métaphysique. Il était

  1. Voy. Revue philosophique, n° 2, 1879.