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deux ordres de faits que j’appellerai : les faits naturels et les faits sociaux. » De là, distinction des sciences sociales et des sciences naturelles, parmi lesquelles les sciences mathématiques forment un groupe distinct.

Le caractère propre des sciences mathématiques consiste dans la nature spéciale des faits fondamentaux dont elles poursuivent l’étude, ainsi que dans le mode particulier de leur développement. Mais il n’y a pas de distinction radicale entre elles et les sciences naturelles proprement dites. « De même que le chimiste peut, à son gré, mélanger les corps que lui offre la nature, de même aussi le mathématicien peut, suivant son caprice, juxtaposer ou superposer les faits fondamentaux sur lesquels repose la partie de la science qu’il traite. Mais une fois ce mélange ou cette construction mathématique opérés, la combinaison, d’une part, les propriétés de la figure géométrique ou analytique, de l’autre, sont indépendantes du chimiste ou du mathématicien, et ne conservent rien de la volonté qui les a amenées. Des deux côtés, la création intellectuelle entre donc comme cause occasionnelle dans les résultats ; des deux côtés, la science ne fait que dégager des lois qui se vérifient dans l’univers inanimé. »

Cette comparaison fait d’ailleurs saisir les véritables différences qui existent entre les sciences mathématiques et les sciences naturelles proprement dites, différences sur lesquelles il est inutile d’insister. Remarquons seulement que le progrès des secondes a pour limite le dégagement de faits fondamentaux assez simples pour que les premières puissent s’en emparer, et en faire le même usage que de ceux immédiatement connus qui servent de base à l’arithmétique ou à la géométrie. C’est ainsi qu’a été instituée la mécanique rationnelle ; c’est ainsi que l’astronomie et la physique ont déjà des branches qui appartiennent, en réalité, à la mathématique pure. Bref, le mot mathématique appliqué à une science n’est qu’un qualificatif indiquant qu’elle est constituée et progresse suivant un mode particulier.

III. — Après l’introduction, la première partie du livre s’ouvre par une intéressante dissertation sur ce qu’on doit appeler art, science ou métier.

« La vie de l’homme se résume en ces deux termes : recevoir des impressions de ce qui l’environne, et imprimer à ce qui l’entoure le sceau de sa volonté. » Ce que la science est au premier de ces termes, l’art l’est au second.

D’ailleurs la science est une, comme l’art est un : « Il n’y a pas de différence entre Beethoven écrivant la Neuvième Symphonie et Napoléon remportant la victoire d’Austerlitz. »

La science et l’art sont d’ailleurs toujours nécessairement en un mélange intime. Il n’y a ni art sans science ni science sans art. « L’art le plus idéal, la musique, repose sur des sciences telles que l’harmonie, le contrepoint, etc., qui ne le cèdent en rien, sous le rapport de la pré-