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ment capable de modifier la marche de l’humanité. Si l’involontaire et l’inconscient assurent la stabilité, objet de la statique sociale, la volonté et la conscience assurent le mouvement, objet de la dynamique sociale. M. Spencer fait remarquer que le système nerveux puise sa force dans les liquides nourriciers de l’organisme, et que de même les organes régulateurs du corps social, — par exemple les pouvoirs politiques, — sont toujours obligés de puiser leur vie même et leur mouvement au sein des organes soumis à. leur action ; on en conclut que, « s’ils réagissent sur ces derniers, c’est seulement avec les forces qu’ils en reçoivent. » Qu’importe, s’ils réagissent et si cette réaction est assez puissante pour mettre tout en mouvement ? On pourrait adresser le même argument à un homme assis pour prétendre qu’il ne peut se lever, sous le prétexte que ses organes régulateurs sont obligés de recevoir leur mouvement et leur vie des organes de nutrition ou de circulation ; lui aussi ne peut réagir et marcher qu’avec les forces inhérentes à son organisme ; direz-vous pour cela qu’il ne peut marcher et courir ? L’équivalence mécanique des forces n’empêche pas le progrès psychique des sensations, des idées, des volitions. L’organisme social peut transformer en idées et en actes volontaires une partie des forces accumulées en lui à l’état involontaire et inconscient ; c’est en cela même que consiste le progrès social et politique. Comme l’individu ne saurait trop se persuader de la force qui appartient à sa volonté, puisque cette persuasion est elle-même une force, puisque l’espérance de vaincre, jointe à l’énergie de l’effort, est le commencement de la victoire, puisque la conviction de la liberté a déjà une vertu libératrice, ainsi la société humaine ne peut trop se persuader qu’il n’y a point d’idéal trop haut pour elle, pourvu que cet idéal soit conforme à la vérité et à la nature ; qu’il dépend d’elle de se réformer et de se transformer, non par miracle sans doute, mais par méthode ; enfin que l’étendue de la science, jointe à l’énergie de l’action, est la vraie providence de l’histoire, dont le domaine n’a de limites que celles de la nature même. Voilà pourquoi la foi raisonnée à l’idée est une puissance sur la réalité, et l’idéalisme un réalisme.

III

La conscience du moi et la conscience de la société ;
leur synthèse dans l’organisme contractuel.

La conciliation des deux idées d’organisme et de contrat dans celle de l’organisme contractuel nous amène tout naturellement en