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par voie de simple commutation entre les cellules, c’est qu’il s’agit là seulement d’une distribution de nourriture et qu’entre des cellules aveugles, inconscientes, l’échange mécanique est le seul mode possible d’équilibre. L’organisme social, au contraire, nous offre des éléments tout nouveaux : l’échange et la distribution y ont heu entre des volontés intelligentes, agissant sous l’influence des idées et par le moyen des libres conventions. Il faut donc que les individus possèdent une liberté effective, non pas seulement nominale, et par cela même une intelligence suffisante qui fournisse à cette liberté ses idées directrices. Dès lors la distribution sociale, au lieu d être simplement une distribution d’aliments, devient aussi une distribution de liberté même et d’intelligence : ce n’est plus seulement le sang, comme dans l’animal, c’est pour ainsi dire le cerveau même avec la pensée et le mouvement qui doit se répandre et se partager entre tous les membres. De plus, la nourriture matérielle n’est point elle-même distribuée dans la société avec la même sûreté que dans le corps d’un animal ; si l’action centrale n’intervient jamais, le sang nourricier abondera parfois sur un point et manquera sur un autre il y aura une accumulation excessive de capital chez celui-ci et manque du nécessaire chez celui-là. Les contrats individuels eux-mêmes se ressentiront de ce manque d’équilibre et perdront leur vraie liberté ; l’égalité de l’échange ne sera plus qu une apparence, comme l’égalité des personnes ; en un mot, le manque d un minimum de justice distributive aura supprimé jusqu’à la justice commutative. C’est ainsi que nous sommes amenés à reconnaître, en principe, la nécessité d’une certaine intervention de l’État dans ces importantes questions qu’on nomme par excellence questions sociales. La justice contractuelle et organique, pour être complète doit être la synthèse delà justice commutative et de la justice distributive.

V

Synthèse de la justice pénale et de la justice réparative.

Quand on passe de la justice en général à ses formes les plus essentielles, on se trouve amené d’abord à l’étude de la justice pénale, puis de ce que nous appelons la justice réparative[1]. Ces

  1. Voir Revue des Deux-Mondes, tome XXXVI, 15 novembre 1879 et 15 janvier 1880. La Science sociale contemporaine, livres IV et V.