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modèle de tyrannie, puisqu’elle a des esclaves et qu’elle se permet en outre des actes fort blâmables, dont sir John Lubbock a tout récemment révélé l’occurrence dans les peuplades de fourmis[1]. »

Une institutrice dont je ne puis écrire le nom vénéré qu’avec un sentiment de reconnaissance presque filiale, car la lecture de ses petits et excellents livres m’a inspiré le culte de l’enfant, et ses précieux encouragements ont contribué à l’entretenir en moi, Mme Pape — Carpentier avait appuyé davantage sur les inconvénients dont M. Bain s’est préoccupé : « L’instinct de l’abeille, au point de vue industriel, est merveilleux ; mais il s’en faut qu’il puisse servir d’exemple sous le rapport moral. La manière dont les abeilles neutres se débarrassent des femelles supplémentaires… fait penser à certaines républiques antiques, qui nous présentent, au point de vue humain et fraternel, la plus triste organisation qu’on puisse choisir pour modèle… Nous désirerions qu’on renonçât à l’habitude traditionnelle de proposer l’association des abeilles comme un idéal d’organisation. — L’instinct de prévoyance attribué aux fourmis repose sur une erreur d’observation : les fourmis demeurent engourdies pendant l’hiver, et elles ne mangent pas. Elles ne font donc pas de provisions pour ce temps. Certaines fourmis sont douées d’un instinct étrange : celui de ravir et d’élever des pucerons près de leurs fourmilières, afin de sucer un suc qui coule du corps de ces petits animaux… D’autres espèces ont un instinct plus étrange encore. Incapables d’exécuter elles-mêmes leurs travaux, elles font invasion chez certaines autres espèces, dont elles enlèvent les ouvrières pour s’en faire des esclaves. Ces esclaves exécutent les travaux domestiques, tandis que leurs conquérantes n’ont d’autre occupation que la guerre… Cet instinct étrange, la science le constate sans avoir à le juger : mais vous voyez encore jusqu’à quel point les fourmis et leur organisation sont propres à servir de modèle[2]. »

Les mœurs des animaux ne peuvent utilement être connues du petit enfant que dans leurs rapports directs avec sa naïve personnalité.

Par ses besoins de toute espèce, par ses plaisirs, ses peines et ses affections, par ses relations de chaque jour avec ses semblables, l’enfant acquiert lentement la mesure, mesure très restreinte, de ses devoirs et de ses droits sociaux, dans une foule de circonstances bien déterminées. La distinction du bien et du mal. de ce qui est

  1. A. Bain, La science de l’éducation, p. 302.
  2. Pape-Carpentier, Manuel de l’instituteur, p. 266.