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analyses. — w. clifford. Lectures and Essays.

reliés aux changements qui se produisent dans ce monde, par une relation de cause à effet : comment votre conscience et ses modifications pourraient-elles influer sur le groupement nécessaire de mes sensations ? Les mouvements matériels sont liés d’une manière invariable par un mécanisme inflexible, et il n’y a point de place entre eux pour une force hypothétique qui viendrait modifier arbitrairement leurs relations. Mais les changements de votre conscience peuvent se développer parallèlement aux modifications de votre cerveau, qui sont des faits objectifs. Ce parallélisme consiste dans une analogie de structure. — Un mot parlé ne ressemble pas à un mot écrit, mais la relation entre le mot parlé et les sons élémentaires qui le composent est à peu près la même qu’entre le mot écrit et les lettres dont il est formé. Chaque élément parlé correspond à un élément écrit. — Il en est de même pour le parallélisme entre le corps et l’esprit. Chaque moment de ma vie consciente comprend un amas énorme de phénomènes psychiques. Lorsque le faisceau de ces faits est assez touffu pour contenir dans chaque instant : 1o des perceptions nouvelles, 2o des répétitions affaiblies de perceptions antérieures, 3o des liens entre ces répétitions, ce faisceau s’appelle une conscience. Or la complexité de cette conscience est parallèle à celle de l’activité cérébrale. De même que votre conscience est formée de sensations élémentaires groupées entre elles (ejective facts), de même une partie de l’activité de votre cerveau est composée d’actions plus élémentaires (objective facts). — Allons plus loin. Ces faits cérébraux sont eux-mêmes encore composés ; les faits psychiques qui paraissent les plus simples doivent être également composés. Et en somme nous pouvons étendre cette analogie jusqu’aux éléments et dire que chaque sensation simple correspond à un changement de matière nerveuse spécial et comparativement simple.

Mais la sensation élémentaire n’implique-t-elle pas une conscience en qui seule elle peut exister ? Non, car, si la doctrine de l’évolution est vraie, il y a une série de dégradations imperceptibles qui nous rattachent à la matière inorganique. Les membres les plus élevés de cette série ont indiscutablement une conscience, quoique moins complexe que la nôtre. Mais où nous arrêterons-nous ? À mesure que nous descendons l’échelle des êtres, la complication du système nerveux diminue, et la conscience doit diminuer de même. D’une part nous ne voyons pas raison d’attribuer une conscience à des animaux inférieurs, comme la monère et d’autre part il ne peut y avoir dans la série une brusque solution de continuité. On ne peut résoudre cette difficulté qu’en admettant que la conscience est un groupe complexe de sensations élémentaires (ejective facts) ou plutôt de ces éléments encore plus simples qui ne sont même plus sentis, mais dont les sensations sont des composés. De tels éléments psychiques sont liés à toute activité organique, si simple qu’elle soit, tandis que la conscience n’apparaît que lorsque l’organisme comprend une structure nerveuse assez développée. Mais, comme une série continue lie les organismes à