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j. sully. — le plaisir de la forme visuelle.

musculaire donnent lieu à la fatigue plus vite que d’autres : c’est ainsi que les combinaisons nécessaires au mouvement oblique fatiguent plus vite que celles du mouvement vertical ou horizontal. La raison n’en est peut-être pas tant le nombre plus grand de facteurs musculaires que la rareté relative de la combinaison. Nous avens en général bien plus besoin d’exécuter des mouvements verticaux et horizontaux que des mouvements obliques, la hauteur et la largeur étant les deux plus importantes dimensions, et ceci tendrait à rendre les premiers mouvements plus faciles et moins vite fatigants. Pour une raison analogue, la facilité plus grande des mouvements horizontaux peut être attribuée en partie au besoin qu’on a en général de mesurer des rapports de distance en longueur plutôt qu’en hauteur. Même dans ces limites du mouvement oculaire agréable, nous pouvons trouver une différence dans la qualité du plaisir, suivant que le mouvement est énergique (mais pas à l’excès) ou comparativement calme. Dans le premier cas, le sentiment est d’un genre plus actif et plus stimulant, et il se rapproche, par son caractère, du sentiment de puissance que nous éprouvons quand nous usons des plus grands muscles de notre corps. Dans le second cas, il est plus passif, et est joint à une sensation particulière. On peut conjecturer que le premier mode de sentiment agréable se rattache à l’excitation des fibres motrices, tandis que le dernier consiste principalement dans les sensations tactiles et autres, déjà mentionnées. Nous pouvons supposer que, lorsque l’innervation motrice atteint un certain degré d’intensité, son corrélatif mental devient le sentiment prédominant ; mais que, lorsqu’elle reste au-dessous de ce point, les sensations passives viennent à la surface de la conscience, pour ainsi dire, et donnent au sentiment son caractère dominant : à tout prendre, les formes plus douces de mouvement oculaire fournissent une plus riche jouissance que les formes plus énergiques. Les muscles de l’œil ne semblent guère être d’un calibre suffisant pour fournir la pleine conscience de force active qui accompagne l’action énergique des plus grands muscles du corps. On peut donc dire que les formes les plus tranquilles du plaisir moteur sont celles que l’œil préfère.

Cette différence de qualité dans les sentiments agréables de mouvement oculaire s’aperçoit surtout quand on compare des mouvements lents et rapides, comme, par exemple, quand on suit le progrès d’une fusée dans ses premières et ses dernières phases. Ainsi que le remarque le professeur Bain, les mouvements rapides sont stimulants, tandis que les mouvements lents sont plus voluptueux et alliés aux plus riches variétés de sensation passive. En suivant des lignes