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j. sully. — le plaisir de la forme visuelle.

ne parait pas entrer, du moins d’une manière consciente, dans l’appréciation esthétique ordinaire de la forme. On ne peut guère dire que nous éprouvions un surcroît de plaisir en apprenant que le rapport des axes d’un ovale qui nous plaît est de 2 : 1. Autant que peut nous l’apprendre notre réflexion consciente, notre jouissance de la proportion repose sur une évaluation vague d’une grandeur par rapport à une autre. Mais, quoique ce rapport ne soit pas apprécié numériquement, il est très exactement évalué. Le plaisir que nous prenons aux rapports imperceptibles de grandeur linéaire qui entrent dans la beauté d’un visage fin, montre combien cette appréciation quantitative est, en réalité, délicate.

Il faut de plus observer que le sens délicat de la proportion entre les diverses parties d’une forme visible comprend la perception plus ou moins distincte d’une égalité entre des rapports de grandeur. Et c’est ce fait qui ramène le sens de la proportion à un sentiment de similitude et d’égalité. Gela est assez évident pour toutes les formes imitatives. La reconnaissance d’un visage sur un portrait en miniature est vraiment un exemple d’une perception très délicate d’égalités de rapports, car elle repose sur une appréciation distincte des dimensions linéaires et des distances relatives des divers traits, et sur une perception de l’identité de ces rapports au milieu de tous les changements de grandeur absolue.

Il est à peu près aussi certain que le sens de la proportion dans l’art, quand il n’est pas ainsi fondé sur une connaissance des rapports des objets naturels, implique réellement une perception de l’identité des rapports quantitatifs. Le plaisir d’une juste proportion entre le diamètre et la longueur d’une colonne, ou entre les nombreux détails d’une église gothique, semble supposer avant tout une perception de la correspondance des rapports perçus à certains rapports conçus, lesquels fournissent un modèle idéal de proportion. Ce modèle mental peut reposer soit sur le sens de l’utilité ou de la convenance des parties à l’égard d’une fin directrice, soit sur l’habitude, soit enfin (dans le cas des formes plus libres) sur un vague sentiment de l’importance esthétique relative des divers traits comme parties d’un tout agréable et bien équilibré. À côté de cela, le sens de la proportion dans l’art repose souvent sur la comparaison directe de deux ou plusieurs rapports de quantité directement présentés, comme par exemple ceux qui existent entre les subdivisions des diverses grandeurs verticales en architecture, et qui vérifient le rapport connu sous le nom de « la section d’or ».

Ces trois aspects ou moments représentent les principes les plus abstraits de l’unité de la forme. En pratique, ces principes se com-