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notices bibliographiques

d’avoir posé en termes précis le problème de la pensée moderne et d’avoir montré par quelle méthode il peut être résolu. On peut soutenir sans doute que la solution qu’il propose est loin d’être complète et définitive ; mais, après lui, la question n’a pas fait un pas ; c’est donc jusqu’à lui qu’il faut remonter et de lui qu’il faut partir. Tant que la raison humaine s’exercera, elle fera de la métaphysique ; les sciences emprunteront toujours leurs principes à la philosophie et une question primera toujours toutes les autres, celle des conditions de la connaissance.

Il ne faudrait pas, on le voit, cherchée dans ce livre une critique approfondie des principes de la philosophie kantienne. L’auteur s’est proposé d’en donner à ses auditeurs une idée générale, mais sommaire, afin de leur faire sentir la nécessité d’en entreprendre une étude plus spéciale et plus approfondie. La dernière partie du livre est de beaucoup la plus intéressante, puisque c’est la seule où l’originalité de l’auteur ait eu l’occasion de se manifester. La discussion des doctrines de Lange et le relevé des assertions par lesquelles il se sépare de Kant témoignent d’une grande pénétration soutenue par l’habitude d’un raisonnement précis et rigoureux. L’ouvrage entier est écrit avec cette clarté et cette élégance qui donnent tant de charme aux livres des philosophes anglais ; la lecture en est à la fois agréable et fructueuse.

E. Joyau.

Wilhelm Kulpe. — La Fontaine, Seine Fabbln und ihre Gegner. Leipzig, Wilhelm Friedrich.

En Allemagne, La Fontaine est, avec Molière, le plus connu et le plus aimé des poètes français ; et cependant il n’y avait jusqu’ici, dans la langue allemande, ni biographie de La Fontaine, ni travaux sur ses fables. M. Kulpe s’est proposé de combler cette lacune. Dans son ouvrage, à coup sûr laborieux, il raconte la vie du poète, puis l’étudié tour à tour comme homme, comme fabuliste, comme moraliste, comme philosophe, et il termine par l’examen des critiques que Lamartine et Lessing ont dirigées contre La Fontaine. Nous n’avons ici à nous occuper que des chapitres où notre poète est considéré comme moraliste et comme philosophe. — Les lecteurs de cette Revue, habitués à des études plus sévères, nous pardonneront pour une fois de les conduire à l’école du Bonhomme. La Fontaine est de la race des poètes qui pensent et font penser. Autant que Molière, pour le moins, il a mérité le nom de contemplateur. À tout le monde, à ceux-là surtout qui seraient tentés de dédaigner sa philosophie, il peut apprendre plus d’un secret, et l’on se persuade aisément, à le méditer, que ce n’est pas chez les raisonneurs de métier qu’on rencontre toujours la plus pénétrante raison.

Le moraliste, chez La Fontaine, a-t-il une véritable doctrine ? Ou, si l’on