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parties : logique, philosophie de la nature et philosophie de l’esprit, division qui n’a jamais été contestée ni ébranlée dans cette école.

En exposant dans ses traits généraux la pensée qui fait le fond des écrits de Rosenkranz et qui embrasse presque toutes les parties de la philosophie (logique ou métaphysique, philosophie de la nature, psychologie, morale, esthétique, philosophie de la religion, histoire de la philosophie, etc.), l’auteur de cette étude fait voir en quoi le disciple est resté fidèle aux principes du maître, s’est inspiré de son esprit, a suivi sa méthode et a reproduit les résultats généraux du système hégélien ; en quoi il s’en est écarté et, en croyant le corriger, l’a réellement altéré. Il signale aussi les défauts, les lacunes et les contradictions qui lui apparaissent dans les doctrines de l’un et de l’autre. Cet exposé et cette critique, que l’on trouvera peut-être d’une sévérité excessive, ne sont pas moins très remarquables et d’un véritable intérêt. On ne peut refuser à l’auteur aucune des qualités qui font le vrai critique et le véritable historien. Quoiqu’il ne partage pas les idées de Hegel et qu’il regarde la tentative de son disciple comme infructueuse, il ne montre aucun parti pris de rabaissement et de dénigrement ; il rend justice à la pensée puissante qui a inspiré le système et qui lui marque sa place dans le développement de la philosophie allemande. Il ne fait pas moins reconnaître ce qu’il y a d’ingénieux, souvent de vrai, d’instructif et d’original dans les vues particulières du penseur de second ordre dont il passe en revue les nombreuses productions philosophiques et littéraires. Il relève la richesse des détails dont ces écrits sont semés et qui en font le mérite principal. Mais surtout le parallèle constant qu’il établit entre le système hégélien dans toutes ses parties et les efforts impuissants du disciple pour le corriger, en pallier ou en dissimuler les défauts ou pour le perfectionner, est poursuivi avec une solidité et une habileté qui révèlent un penseur exercé et une connaissance parfaite des œuvres principales de cette philosophie comme des débats auxquels elle a donné lieu pendant son époque florissante et depuis qu’elle a cessé de captiver et de remuer au même degré les esprits.

Nous n’essayerons pas, à notre tour, de suivre M. Quäbicker dans les diverses parties de son intéressante et instructive publication. Nous n’ajouterons qu’une remarque. Cette étude, dit-il dans sa préface, n’était d’abord qu’un article destiné à paraître dans une Revue ; elle a pris ensuite des proportions plus considérables entre les mains de l’auteur et est devenue un opuscule, ce qui l’a décidé à la publier séparément. Nous ne pouvons que l’en remercier et en féliciter le public. Il eût été regrettable qu’une œuvre aussi distinguée de critique et d’histoire philosophiques contemporaines passât inaperçue et fut condamnée à partager la fortune éphémère qui est si souvent celle des meilleurs écrits de la presse périodique.

Ch. Bénard.