Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome IX, 1880.djvu/61

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
51
boirac.les problèmes de l’éducation

sont à l’affût de tous les changements que l’opinion exige, et on peut être assuré que sur bien des points, surtout en ce qui concerne le régime intérieur de leurs établissements, ils ont procédé à de nombreuses et secrètes innovations. La mode est aujourd’hui au bachelier, bon ou mauvais humaniste : faire des bacheliers est donc le but auquel ils visent, et, sans y mettre la retenue de l’Université, qui rougirait de rabaisser expressément l’éducation à une aussi mesquine fin, ils le disent et agissent en conséquence. Le monde a besoin de jeunes gens nourris aux mathématiques pour le recrutement des Écoles de l’État ; la Congrégation, qui est fort attachée au recrutement de ces Écoles, consacre donc tous ses soins à former déjeunes mathématiciens, futurs ingénieurs, futurs officiers de l’État ; et, comme elle veut bien ce qu’elle veut, elle ne recule devant aucun sacrifice : elle va même, a-t-on prétendu, jusqu’à chercher des professeurs à ses élèves parmi des mécréants avérés, dont elle paye fort cher la science et la complaisance. Il serait donc imprudent d’attribuer à l’éducation jésuitique plus de valeur que les Jésuites ne lui en attribuent eux-mêmes ; c’est à leurs yeux une simple affaire d’opinion. Que demain l’Université change radicalement, je ne dis pas son plan d’études et ses méthodes, mais les programmes du baccalauréat, et l’on verra, croyons-nous, les Jésuites transformer immédiatement leur système, et s’adapter docilement à ce nouvel état de choses : peut-être même réussiront-ils à s’y adapter plus rapidement que l’Université. Sur ce point, le passé est garant de l’avenir. Déjà, en 1874, le baccalauréat es lettres a subi une première modification : il a été, comme on le sait, divisé en deux examens que sépare l’intervalle d’une année ; cette modification aurait dû en entraîner d’autres dans l’organisation des classes de rhétorique et de philosophie, quand ce n’eût été que la suppression dans cette dernière classe de la dissertation latine, qui désormais ne répond plus à rien ; voilà cependant cinq ans que l’on continue à composer en dissertation latine dans tous les lycées et collèges de France. Nous ne savons point ce qui se passe dans les établissements de la Congrégation, mais nous serions bien étonnés si les classes de rhétorique et de philosophie n’y avaient pas été transformées depuis cinq ans en vue de la meilleure préparation aux examens du nouveau baccalauréat.

Avec les Jansénistes, nous nous trouvons du moins en présence d’esprits indépendants et originaux, qui voient dans l’éducation autre chose qu’un moyen d’enchaîner l’esprit humain à des intérêts de secte, tout en le parant à la surface d’ornements conventionnels. M. Compayré caractérise et critique leur doctrine avec une grande