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Relativement à la dimension et même à la forme des atomes, on a fait des spéculations qui, quoique fort ingénieuses et intéressantes, ne sont encore que des hypothèses. Nous ne connaissons des atomes que leurs masses relatives : cette notion nous suffit pour interpréter d’une manière satisfaisante les principaux phénomènes de la chimie[1]. Nous rappellerons les études de M. William Thompson, qui, en mesurant l’attraction voltaïque d’une lame de zinc pour une lame de cuivre, et en comparant cette attraction à la quantité de chaleur dégagée par la combinaison de ces deux métaux, a admis que la plus petite dimension d’une molécule de zinc était d’un trentième de millionième de millimètre. M. Crookes s’est livré à des calculs du même genre.

En réalité dans ces diverses mensurations il s’agit toujours des molécules, lesquelles peuvent être fort grandes par rapport aux atomes. Quant aux atomes eux-mêmes, un grand nombre de savants éminents admettent qu’ils ont des dimensions finies,’mais en tout cas très petites. Il n’y a donc qu’une différence purement métaphysique entre la théorie de l’atome extrêmement petit et celle de l’atome infiniment petit ; car au point de vue expérimental, la perception de l’atome par nos sens est impossible, et au point de vue théorique, on sera ramené à l’atome infiniment petit, si l’on suppose l’atome très petit réduit à son centre de gravité, ce qui, mécaniquement, est tout à fait légitime.

Un caractère essentiel de l’atome, et par conséquent de la matière, c’est l’indestructibilité. « Ex nihilo nihil, in nihilum nil posse reverti. » Cette conception épicurienne a été reprise par Lavoisier, qui en a fait le fondement de la chimie. Un atome d’hydrogène, par exemple, quelles que soient les actions auxquelles on l’a soumis, restera toujours atome d’hydrogène. En entrant dans une combinaison et en sortant de cette combinaison, il restera toujours identique à lui-même, c’est-à-dire qu’il possédera toujours les mêmes propriétés. La conséquence nécessaire de cette notion, c’est que l’atome, étant indestructible, n’est pas susceptible d’être créé.

  1. On connaît la théorie de Descartes renouvelée de celle d’Épicure, sur les atomes crochus. Lémery, à la fin du xviie siècle, supposait que les particules des acides étaient pointues, et il en donnait pour preuve la cristallisation de l’acide tartrique. Les alcalis au contraire étaient poreux, comme la chaux vive qui absorbe énergiquement l’eau dans ses pores avant de s’éteindre. Les parties pointues des acides, animées d’un mouvement continuel, s’insinuent dans les pores de l’alcali et s’y brisent, en produisant par des chocs le mouvement de l’effervescence (acide sulfurique et carbonate de soude par exemple). Les corps huileux, au nombre desquels Lémery rangeait l’esprit-de-vin, ont des parties « branchues et rameuses, dans lesquelles les parties de l’acide s’embarrassent » de manière à ne plus pouvoir exercer l’action caustique qu’elles avaient auparavant.