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fication permanente de l’énergie interne d’un système d’atomes, et par conséquent de ses propriétés, est un phénomène chimique.

L’équilibre nouveau est plus ou moins stable. Suivant que la perte d’énergie a été plus ou moins grande, il faudra dépenser un travail plus ou moins grand pour revenir à l’état initial. Ce phénomène de retour à^ l’état initial est la décomposition, phénomène inverse de la combinaison et régi par les mêmes lois. Ainsi, pour décomposer le chlorure de sodium, il faudrait dépenser une quantité de chaleur exactement égale à celle qui a été dégagée lors de la combinaison du sodium et du chlore. Ces données sont théoriques ; elles signifient simplement que la quantité de chaleur employée à la décomposition disparaît, absorbée par cette décomposition, et qu’elle est précisément égale à la quantité de chaleur développée par la combinaison. De vrai, elle ne s’anéantit pas, mais se transforme en énergie interne, conformément aux principes fondamentaux de la thermodynamique.

Les différents corps composés ne sont pas également stables. Les uns se décomposent presque spontanément sous les plus légères influences (l’eau oxygénée, le chlorure d’azote, etc.) ; d’autres exigent l’application d’une très haute température (l’acide chlorhydrique, l’eau, etc.) ; d’autres ne paraissent pas pouvoir se décomposer par la chaleur (la chaux, la silice, etc.). Ces stabilités différentes tiennent aux quantités de chaleur dégagée pendant la combinaison. Plus la combinaison a dégagé de chaleur, moins il reste d’énergie dans le composé, et plus il sera stable. Sous une autre forme de langage, plus l’énergie interne sera grande, moins il faudra dépenser d’énergie externe pour produire la décomposition, comme si l’énergie interne du composé équivalait à un effort fait pour disjoindre les atomes. Les corps explosifs (protoxyde d’azote, eau oxygénée, nitroglycérine) sont dans un état d’équilibre instable, de sorte que la plus légère impulsion extérieure suffit pour déterminer leur décomposition. En effet, cette décomposition dégage de la chaleur, de même que leur combinaison en avait absorbé.

L’expérience nous apprend que certains corps difficilement décomposables par la chaleur se décomposent au contraire très facilement par l’électricité (comme la potasse) ou par la lumière (chlorure d’argent). De même, certaines combinaisons (acétylène : Berthelot, 1863) ne se font pas par la chaleur, et s’opèrent au contraire sous l’influence de l’arc voltaïque. Cela nous indique que la chaleur n’est pas la seule forme de mouvement qu’il faut envisager en chimie. Elle n’en reste pas moins le plus puissant modificateur des affinités chimiques, celui dont l’action a été le mieux mesurée.