Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome IX, 1880.djvu/651

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
641
delbœuf. — le sommeil et les rêves.

Enfin — troisième cas — cette persistance de la faculté du souvenir en. rêve nous explique comment on peut rêver d’anciens rêves que l’on a faits et, conséquemment, comment on peut rêver qu’on rêve. L’odeur de l’Asplenium me conduit, si le lecteur s’en souvient, à cette réflexion finale que, quoi qu’en dise Brillât-Savarin, on peut rêver d’odeur. C’est là une particularité, à première vue, contradictoire, et il est bon de s’y arrêter un instant.

Pendant la veille, nous portons rarement un jugement explicite sur la nature objective ou subjective des images que nous voyons. La foi, fondée sur l’expérience, nous guide ; et, dans le sommeil, il est entendu que cette habitude de la foi subsiste. Cependant, à l’état de veille, il nous arrive maintes fois d’opposer le rêve à la réalité, le subjectif à l’objectif. L’habitude ainsi contractée est susceptible d’entrer en jeu pendant que nous rêvons, et alors elle a pour résultat de nous faire dire tantôt que ce qui nous passe par la tête est un rêve, tantôt que ce n’est pas un rêve. L’étrangeté du cas se réduit donc à une simple coïncidence. Chez ceux qui, comme moi, s’occupent de leurs rêves, ce retour sur soi-même pendant le sommeil peut atteindre un degré remarquable de fréquence et d’à-propos. Cela ne fait que donner une confirmation éclatante à l’opinion que j’ai défendue et d’après laquelle les facultés, pendant le sommeil, ne subissent aucune altération dans leur essence.

II. — Le rêve comme objet du souvenir.

C’est mon rêve qui m’a remis en mémoire le nom de l’Asplenium. Il a produit en moi l’effet qu’aurait fait une deuxième représentation directe ou indirecte des mêmes syllabes. Mais cette action cumulatrice n’a pu être exercée que parce que le rêve a été l’objet d’un acte de reproduction. S’il avait passé inaperçu, s’il n’avait pas été ressaisi par moi au réveil, l’Asplenium fût retombé dans l’oubli d’où, pour un instant, je l’avais tiré. Il me reste donc une question à traiter : À quelle condition se souvient-on de ses rêves ?

Il y a des rêves dont on ne se souvient pas ; on sait seulement que l’on a rêvé. D’autres fois, on croit n’avoir point rêvé du tout. Les enfants gardent rarement le souvenir de leurs rêves. À quoi peut tenir cette inégalité dans la capacité de la mémoire ?

D’après la théorie du souvenir qui a été exposée plus haut, un rêve ne peut être l’objet d’un acte de reproduction que si les éléments qu’il a mis en activité se retrouvent actifs dans la périphérie nou-