Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome IX, 1880.djvu/659

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
649
d. nolen. — la critique de kant et la religion

dulité scientifique ou philosophique. Elle seule permet de démêler ce qu’il y a de vrai et de durable sous les formes diverses que le sentiment religieux a successivement revêtues à travers l’histoire. Seule, elle peut ranimer et douer d’une fécondité nouvelle le principe compromis ou méconnu, qui les a toutes inspirées et soutenues.

I


Comment la doctrine kantienne, qui rejette toute connaissance du surnaturel, peut-elle servir la cause de la religion, dont le surnaturel est justement l’objet principal ? N’est-ce pas même un contre-sens historique, de parler de la métaphysique de Kant, qu’on regarde comme l’adversaire déclaré de toute métaphysique ?

Le Dr Arnoldt n’a pas de peine à montrer que la critique, loin de se donner pour la négation, prétend bien n’être, au contraire, que l’introduction, et, suivant le mot de Kant, comme les prolégomènes véritables de toute métaphysique. Kant n’a combattu si résolument la métaphysique de ses prédécesseurs que dans l’intérêt de la métaphysique de l’avenir. Il le dit expressément. « Plus que de toute autre science, la nature a déposé en nous les germes de la curiosité métaphysique ; … elle en a fait l’enfant chéri de notre raison… Selon toute vraisemblance, l’esprit de l’homme ne renoncera pas plus entièrement à la recherche métaphysique, qu’il ne consentira à s’interdire absolument la respiration, pour éviter de respirer un air vicié. La curiosité métaphysique se rencontrera donc de tout temps et chez tout homme, principalement dans toute tête pensante ; seulement chacun, en l’absence d’une règle reconnue, la satisfera selon sa fantaisie[1]. »

Il ne faut assurément demander à la métaphysique de Kant aucun argument en faveur des vérités de la foi : elle n’apporte aucune pierre à la construction de l’édifice religieux, bien loin d’en former la clef de voûte ; ou encore, pour emprunter le langage de Kant, elle n’est pas la forteresse (Grundveste), mais l’un des ouvrages défensifs de la place (Schutzwehr). Les anciennes métaphysiques, dont la religion recherchait l’alliance, s’associaient directement à son œuvre et devenaient des parties intégrantes de la théologie. C’est ainsi que le platonisme des Pères de l’Église, que le péripatétisme de

  1. Prolégomènes à toute métaphysique future.