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arguments : il suggère les objections qui peuvent leur être faites, et a tenté quelque part de donner une expression satisfaisante aux convictions personnelles de sa foi morale. Le réfuter ainsi par lui-même, n’est-ce pas servir la cause de la philosophie, dont L’intérêt demande, suivant le mot de Kant, « qu’on contienne et non qu’on favorise l’exubérance des théories. »

La théorie du souverain bien et des postulats est trop connue, pour qu’il soit nécessaire de la reproduire. Voici en quelques mots les conclusions qui s’en dégagent. Le progrès indéfini de la vertu vers la sainteté, la félicité croissant en proportion de la perfection morale, constituent les deux éléments du souverain bien. L’immortalité de l’âme est la condition nécessaire du premier ; l’existence de Dieu, celle du second.

Contre cette théorie des postulats, Arnoldt dirige les trois objections suivantes : 1° Le concept du souverain bien n’est pas toujours interprété par Kant dans le même sens. 2° La définition qu’il en donne habituellement ne suffit pas à légitimer les conséquences qu’il en tire, à savoir la démonstration de l’immortalité et de l’existence de Dieu. 3° La foi en Dieu repose en vérité non sur l’idée du souverain bien, mais sur la conscience de la loi morale et des sentiments qui l’accompagnent ; et ce n’est pas dans la doctrine du souverain bien ni dans les trois critiques, mais dans la doctrine du royaume de Dieu et d’un règne moral des volontés, telle que l’expose la Religion dans les limites de la raison pure, qu’il faut chercher la véritable expression de la foi personnelle de Kant.

Kant distingue deux formes du souverain bien, celui qui ne se rencontre qu’en Dieu et résulte dans l’être souverain de l’accord de la sainteté et de la félicité parfaite, et celui que la volonté humaine cherche à réaliser comme son suprême idéal et qui consiste dans le développement harmonieux, proportionnel de la vertu et du bonheur.

Il n’est pas sans importance de signaler cette distinction. C’est peut-être pour l’avoir quelquefois oubliée, pour n’avoir pas suffisamment séparé l’idéal divin de l’idéal humain, la perfection absolue de la perfection relative, que Kant s’égare à la poursuite d’une sainteté et d’une félicité transcendantes, que ne comporte pas la nature de l’homme.

Kant d’ailleurs laisse pressentir, dans un passage important de la Critique de la raison pratique, que la solution tentée de ce problème dans les trois critiques, ne le satisfait pas de tous points. Il donne indirectement à entendre qu’il a dépassé en la présentant les limites de la raison théorique. « S’il y a une fin suprême, ce ne peut