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renouvier. — l’infini actuel est-il contradictoire ?

d’une unité de totalité, d’un nombre, et s’étendent de là à des quantités, telles que l’espace et le temps, dont la composition est la même à cela près que leurs unités composantes sont concrètes et données dans l’intuition. C’est que, si des phénomènes ou choses quelconques forment une suite interminable en se distinguant les unes des autres, elles correspondent nécessairement une par une aux termes delà suite des nombres abstraits 1, 2, 3, 4… également interminable. Et c’est que si la première de ces suites pouvait se clore de manière à former une synthèse achevée, une unité de totalité, il faudrait que nous pussions nous représenter la seconde comme également close et formant sous le nom de nombre infini une synthèse achevée aussi, une unité de totalité. Autrement, il est clair que, la série des abstraits se poursuivant toujours, nous refuserions à la série des concrets le droit de s’arrêter et de se fermer, vu la correspondance établie ci-dessus. Toute la question dépend donc bien de la possibilité ou de l’impossibilité du nombre infini. Le nombre infini actuel étant contradictoire in adjecto, par la raison que l’idée même de nombre implique la faculté d’augmenter un nombre donné quelconque : d’où l’infini potentiel qui est exclusif de l’actuel ; il est inévitable que la même contradiction existe entre une suite de concrets sans fin et leur synthèse accomplie qui supposerait l’inépuisable épuisé. Mais c’est trop insister, puisque M. Lotze, d’accord avec la généralité des mathématiciens qui se moquent des rêveries de Fontenelle sur les infinis des différents ordres, reconnaît lui-même que a nous ne pouvons trouver l’infiniment grand comme un nombre ». Pour moi, cette proposition ne diffère pas d’une autre que mon adversaire nie : Nous ne pouvons pas penser à l’infiniment répété, en quelque genre que ce soit, comme à une synthèse achevée. M. Lotze a beau me répéter, croyant que je ne l’entends pas bien, que, selon lui, « l’infini, s’il en est un, ne peut jamais, étant donnée sa nature, être épuisé par l’addition de ses parties finies ; » moi, je pense invinciblement qu’en ce cas cet infini n’est point, et que sa nature n’est pas et ne peut pas être donnée autrement que celle d’un cercle carré, à savoir dans un assemblage de termes contradictoires.

Ce qui précède me justifie quelque peu, ce me semble, de la confusion qui m’est reprochée par M. Lotze, entre l’affirmation du nombre infini, dont il se défend, et l’affirmation de la synthèse achevée des choses sans fin, dont il prend la défense. Et pourtant, encore à présent, dans sa réponse, devient-il parfaitement clair que ce philosophe ait pu se délivrer du nombre infini ? Ne considère-t-il pas la série potentielle des nombres comme un tout actuellement