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renouvier. — l’infini actuel est-il contradictoire ?

est infinie. Que devons-nous entendre par là ? Je distinguerai ce que je n’ai pas fait sans doute assez clairement en combattant la manière de voir de M. Lotze, je distinguerai, dis-je, entre le point de vue proprement géométrique (ou de la tangente comme ligne construite) et le point de vue du calcul (ou de la tangente en son rapport à l’unité linéaire). Sous le premier point de vue, je maintiens ce que j’ai dit : à savoir que cette tangente est une droite indéfinie. Indéfiniment prolongée, elle ne rencontre pas la sécante dont l’intersection pourrait seule la limiter de longueur ; c’est donc incontestablement ce que tout le monde appelle une ligne indéfinie. Sous le point de vue du calcul, la question du nombre infini se présente. Il n’y a pas de nombre d’unités linéaires qui soit assez grand pour représenter une valeur numérique de la tangente de 90°. J’ai dit : « Vous atteignez un point (à savoir dans l’écart de plus en plus grand de la tangente et de la sécante) pour lequel la tangente n’a plus de mesure, parce qu’elle a une longueur indéfinie dont aucun nombre, quelque grand qu’il soit, ne peut exprimer le rapport avec l’unité de longueur. Ce rapport n’existant plus, il n’y a plus de nombre, ni fini ni infini. » Je maintiens mes expressions comme mathématiquement irréprochables, toute réserve faite en faveur de l’emploi des symboles de l’infini dans le calcul : autre question dans laquelle je n’entrerai pas sans nécessité. Les géomètres ne m’approuveront pas, dit mon adversaire, quand je « demande que l’on nomme cette tangente indéfinie et non infinie » ; mais je n’ai demandé rien de semblable, et j’ai fait suivre le mot indéfinie (géométriquement exact) de cette explication inséparable : « une longueur indéfinie dont aucun nombre, etc. » C’est l’expression du fait même. Je n’ai rien à objecter à l’emploi du mot infini en mathématiques, pourvu qu’on l’entende bien.

Mais, ajoute M. Lotze, « la tangente serait indéfinie si l’on ne savait au juste quelle valeur lui attribuer, si l’on ne savait s’il y a ou non un nombre pour la mesurer. Mais elle diffère de la tangente de 0’, et M. Renouvier avoue lui-même qu’elle n’a plus de mesure, parce qu’elle a une longueur indéfinie dont aucun nombre, etc., etc. ; il faut dire plutôt, si j’ose l’ajouter, parce qu’elle est infinie. » Je réponds qu’en effet on ne peut attribuer aucune valeur à cette tangente, en ce qu’on ne peut lui en attribuer aucune qui ne fût erronée du même coup qu’elle serait déterminée ; et le cas est complètement différent de celui de la tangente de 0°, laquelle a une valeur déterminée, la valeur 0. Quant à ce qui est de parler d’une valeur infinie, je n’y contredis pas, s’il s’agit d’une question de mots et de symboles. L’erreur n’apparaîtrait que si l’on croyait qu’une telle valeur « pos-