Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome IX, 1880.djvu/699

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
689
ANALYSES. — t. mamiani.La religione dell’avvenire.

autres. Elle sera en outre, nous l’avons dit, un agent de perfection pour l’homme, dont elle développera l’activité dans le sens de la charité et de l’abnégation. Les actions qu’elle inspirera seront toutes désintéressées, malgré l’efficacité qu’elle attribue à la prière et aux sanctions de la morale. M. Mamiani prend texte de cette remarque pour discuter le reproche que les matérialistes adressent à la religion d’encourager l’égoïsme raffiné d’une vertu qui sait pouvoir compter sur sa récompense. Mais au nom de quoi les matérialistes prêchent-ils le désintéressement ? Si ce n’est pas au nom du bonheur qu’il procure, sur quelle chimère fondent-ils donc leur morale, eux qui ne peuvent même pas parler de bien ? Du reste, à quoi bon tant de subtilités ? Il y a un jugement de sens commun qui affirme que le bonheur et la venu ne doivent point être séparés ; et M. Mamiani déclare s’en tenir pour sa part à ce mot de Bossuet : « Nullus est actus ad quem revera non impellimur motivo beatitudinis vel explicite vel implicite. »

Le bien en effet n’est que la perfection de l’être ; la réalisation de notre bien suppose donc réalisée la perfection de toutes nos facultés. Le corps y a sa part, et l’ascétisme n’est point le fait d’une saine morale. Notre religion encouragera la science, relèvera l’art, et achèvera toutes les vertus pratiques ; elle formera des esprits larges et des cœurs libres, — ce que les religions positives n’ont pas toujours osé faire. Elle formera aussi de bons citoyens, car elle sait que son royaume est dans la conscience, et elle laisse à la loi écrite le gouvernement de l’activité extérieure. Elle ne s’abaissera jamais à la politique et n’abordera les problèmes sociaux que dans un but de justice, de conciliation et de charité.

Enfin elle n’admettra l’intervention de personne entre la conscience d’une part, et Dieu de l’autre, et l’article premier de sa constitution sera la suppression du clergé.

Voilà l’essence et les conditions de la religion naturelle dégagée des dogmes positifs, qui vont s’enfonçant de plus en plus dans le matérialisme et la légende.

A-t-elle quelque avenir ? C’est ce que la suite des temps montrera à nos descendants. L’auteur est le premier à reconnaître qu’un culte aussi abstrait ne peut convenir qu’à une aristocratie très restreinte ; mais il estime que la vérité est toujours bonne à dire, et, dût la religion changer plusieurs fois encore de formule avant de parvenir à l’état de pureté qu’il rêve, il espère du moins qu’elle ne perdra pas le terrain solide qu’il a cherché à lui donner pour base.

Tel est ce livre, qui désarmera les âpres critiques par la bonne foi la vigueur de talent, et l’admirable sérénité qui y éclatent d’un bout à l’autre. Il est impossible, quelque opinion qu’on garde par-devers soi, de ne pas se sentir pris de sympathie et d’admiration pour l’auteur, guide et compagnon de ce long voyage, que pas un doute, pas une défiance n’est venu troubler. On comprend que c’est là l’œuvre non d’un logicien, mais d’un homme de cœur, qui se désole de voir la spécula-