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J’aborde en dernier lieu une illusion que M. Hoppe traite au contraire une des premières, celle qu’il a monographiée avec le plus de soin, dont il a donné l’explication la plus complète, et qui lui sert comme de type auquel il ramène ou. compare les autres. Beaucoup moins connue au reste que celles dont nous avons parlé, elle est provoquée par un mouvement réel, tandis que nous sommes au repos, et réclame d’ailleurs, au plus haut degré, la condescendance de la volonté. C’est l’illusion du mouvement de la rive (Uferbewegung), dont nous allons donner une description empruntée à notre auteur :

« Si l’on regarde une eau en mouvement, on a facilement l’illusion que l’endroit où nous nous tenons se meut en nous entraînant nous-mêmes, et cela dans un sens opposé au mouvement de l’eau. Cette illusion peut se produire sans notre volonté ; mais, d’ordinaire, il nous faut coopérer à en amener les conditions, consciemment ou inconsciemment. Pourtant, même si nous ne savons pas ou ne pouvons reconnaître de quel côté coule l’eau, l’illusion ne s’en produira pas moins dans le sens réellement opposé, en sorte que, d’après ce sens, nous pouvons conclure celui que suit, de fait, le cours de l’eau. Tout en voyant ce mouvement en arrière de la rive et en en ayant conscience, on sait cependant qu’il n’a aucune réalité, on ignore comment il se fait qu’on le voie, et on ne remarque pas qu’on aide à en produire l’apparence. Il faut regarder à la fois l’eau et la rive, etc. » (P. 25.)

Cette illusion est évidemment surtout curieuse en ceci, qu’elle montre que l’ébranlement causé sur notre rétine par les rayons lumineux émanant d’un corps en mouvement, tout en étant insuffisant pour entraîner la perception du sens de ce mouvement, peut cependant amener des contractions musculaires réflexes qui déplacent l’œil dans un sens déterminé. M. Hoppe cherche en particulier à établir à ce sujet que cet ébranlement de la rétine ne doit pas dès lors être conçu comme correspondant à un déplacement sur celle-ci de l’image de l’objet en mouvement, mais seulement à une excitation dans un sens déterminé. Si cette thèse, sur la valeur de laquelle je me garderai de me prononcer, est exacte, ce serait un point des plus importants acquis pour la théorie de la vision.

Voici, au reste, comment on peut compléter, en gros, l’explication de l’illusion de l’Uferbewegung. L’excitation occasionnée sur notre rétine par les rayons émanés des corps en mouvement amène des mouvements musculaires réflexes, qui, objectivement, sont imperceptibles, mais auxquels se trouvent liée, par habitude, l’impression subjective d’un mouvement devant nos yeux. Comme d’autre part, dans le cas où l’on se trouve sur la rive, le groupe des sensations est le même que si l’on se trouvait sur un bateau remontant l’eau immobile, il suffit, pour que l’illusion de l’Uferbewegung se produise, que la volonté n’intervienne pas avec une action suffisante pour conformer la perception à la réalité des faits.

Je bornerai ici l’exposition que je devais à mes lecteurs et termi-