Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome IX, 1880.djvu/72

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
62
revue philosophique

et de ces salles spacieuses, aérées et éclairées, dont l’hygiène trace le plan, et de toutes les ingénieuses innovations apportées dans le mobilier scolaire. Mais ne pourraient-ils, dans les lycées mêmes, avoir leur part des progrès accomplis ? Croit-on qu’ils ne s’intéresseraient pas aux leçons des choses, et que leur intelligence se trouverait mal de la méthode intuitive ? Est-on d’avis que les règles pédagogiques qui prescrivent, par exemple, de conduire l’esprit par degrés des faits sensibles aux idées, et des idées concrètes aux idées abstraites, vraies et utiles quand il s’agit des élèves des écoles primaires, ne le sont plus quand il s’agit des élèves des lycées qui sont du même âge, s’ils ne sont pas de même condition sociale ? Qu’une fois parvenu à l’âge où l’élève des écoles primaires a terminé ses études, l’élève des lycées soit soumis à un régime intellectuel plus sévère et plus viril, à la bonne heure ! Il sera d’autant plus capable de le supporter et d’y profiter que la curiosité native de l’esprit n’aura pas été étouffée en lui par le poids d’abstractions machinalement apprises, et qu’il aura développé les facultés de jugement et d’invention en les exerçant sur des sujets auxquels il s’intéressait, parce qu’il pouvait les comprendre. Mais pourquoi, jusqu’à cet âge, donner pour tout aliment à sa curiosité et pour tout exercice à son intelligence le rudiment de la grammaire latine, alors qu’on recommande au maître d’école de subordonner autant que possible l’étude de la grammaire française à celle de la langue elle-même ? À cet enfant qui sait seulement lire et écrire, pour qui la langue maternelle est encore un instrument bien nouveau et d’un usage bien difficile, on impose sans préparation l’étude d’une langue ancienne, dont il ignore l’origine, l’histoire, la valeur ou la beauté et dont les formes lui semblent, autant qu’il en peut juger, différer radicalement de celles de sa propre langue. Quel intérêt, quelle facilité ne trouverait-il pas au contraire, dans cette étude, s’il l’entreprenait plus tard, avec un esprit plus mûr, exercé par le maniement de la langue maternelle, et initié, par l’étude du français, à la connaissance des lois générales du langage et de la diversité de ses formes ? L’enseignement supérieur est la suite et l’achèvement de l’enseignement secondaire ; l’enseignement secondaire devrait être la suite et la continuation de l’enseignement primaire. Entre le premier et le second degré cependant, nulle liaison, nulle transition dans l’état actuel des choses : ils s’ignorent réciproquement ; les innovations, les progrès faits dans l’un ne bénéficient point à l’autre ; les meilleurs élèves du premier degré n’ont la plupart du temps, disons-le en passant, aucun moyen d’arriver au second. Quoi de plus étrange, quand on y pense, que cette scission de l’enseignement national en deux parties complè-