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Dr s. wilks. — nature du langage

deux phrases s’embrouillent l’une avec l’autre de la manière la plus risible. On peut se rappeler comment le corbeau de Barnabe Rudge ne se contentait pas de crier pendant les émeutes catholiques : « Je suis protestant, » ou : « Je suis un démon, » mais, d’une manière cynique, disait quelquefois : « Je suis un démon protestant, » ou : « Je suis une théière protestante, » précisément de la même manière qu’un petit enfant qui commençait à parler, et qui avait appris les phrases : a Méchante tante, » et : « Méchant grand-papa, » disait dans un moment de colère, quand quelqu’un de ses proches lui déplaisait : « Méchante tante grand-papa. » Cette association hâtive de mots sans signification "me paraît être exactement la même que celle que j’observe chez mon perroquet. L’association de certains mots et la façon dont ces mots en suggèrent d’autres sont fréquentes dans la société humaine et sont l’écueil de toute discussion logique.

Le résultat de mon observation, en ce qui touche la faculté du perroquet à acquérir le langage, c’est qu’il a un appareil vocal très parfait, que son oreille peut recueillir les intonations les plus délicates de la voix humaine, qu’il peut arriver à les imiter d’une manière parfaite après un travail prolongé, et finalement qu’il peut les conserver dans sa mémoire. Un autre résultat de mon observation, c’est que le perroquet associe ces mots avec certaines personnes qui les ont prononcés et qu’il peut aussi inventer des sons correspondant à ceux qui émanent de certains objets.

Comme je veux me borner ici à la question du langage, je n’aborderai pas d’autres sujets qui montrent combien il y a des phénomènes qui se ressemblent chez les animaux et chez les enfants, bien qu’on en ait proposé différentes explications fondées sur la distinction entre l’instinct et la raison. Ainsi un bruit ou un objet étrange font qu’en un instant Poil quitte son perchoir, et l’on appelle cela un effet réflexe. Chez un enfant, on attribue à la crainte le tressaillement produit par l’apparition soudaine de son ombre. Si l’on donne à un perroquet du pain et de la marmelade de fruits, et s’il mange la marmelade et ne touche qu’à des miettes de pain, nous rions de son manège ; mais quand un enfant fait la même chose, nous introduisons dans le fait un élément moral, et nous disons que l’enfant est mauvais.

Un fait s’est constamment imposé à mon attention : c’est la force de l’habitude, et le plaisir de voir ou d’entendre une répétition du même acte ou des mêmes phrases. Un enfant ne se lasse jamais d’entendre répéter indéfiniment la même histoire, et de même un perroquet ne semble jamais se fatiguer d’entendre parler ou chanter ce qu’il connaît, et, si on lui a appris quelque malice plaisante, il paraît désirer la continuer indéfiniment.