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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/524

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est transmise directement et le rôle premier du cerveau se borne à l’accepter : telle est l’idée communiquée par la parole, l’enseignement, la prédication, la persuasion ; l’idée est comprise dans la sensation ; c’est la suggestion directe. Tantôt au contraire l’idée est créée par le cerveau à la suite de l’impression reçue ; c’est la suggestion indirecte. Ici intervient le rôle individuel de chaque cerveau. Suivant leurs qualités natives, leurs modalités héréditaires, suivant leurs habitudes et aptitudes acquises par l’éducation, l’imitation, les suggestions antérieures, les divers cerveaux réagiront chacun à sa façon et transformeront en idées diverses la même impression perçue. » Le phénomène sensoriel étant le même, l’idée consécutive, c’est-à-dire la suggestion variera suivant la constitution psychique native de chaque cerveau. « La suggestion, on le voit, n’est pas un fait passif ; ce n’est pas une empreinte simplement déposée dans le cerveau. Le centre psychique intervient activement pour transformer l’impression en idée et pour élaborer celle-ci ; chaque idée suggère d’autres idées, et ces idées se transforment elles-mêmes en sensations, émotions, images diverses ; de cette association d’idées, de sensations, d’images, résulte un travail complexe que chaque individualité réalise à sa façon. »

La suggestion est faite ; l’idée est acceptée par le cerveau. C’est un phénomène centripète. Alors succède un phénomène centrifuge consécutif à la suggestion. C’est ce phénomène important qui domine toute notre activité et sur lequel repose la psycho-thérapeutique. Toute idée suggérée et acceptée tend à se faire acte, c’est-à-dire sensation, image, mouvement (loi de l’idéo-dynamisme). Mais il peut arriver et il arrive souvent en réalité, qu’au lieu de devenir acte positif, l’idée devienne acte négatif. Autrement dit, elle neutralise l’acte ; elle empêche un mouvement de se réaliser, elle empêche une sensation d’aboutir au sensorium. C’est le cas des anesthésies et des paralysies psychiques dont M. Bernheim cite plusieurs exemples, quelques-uns assez curieux.

Tous les organes, toutes les fonctions sont commandés par les centres nerveux. Chaque point de l’organisme a pour ainsi dire son aboutissant dans une cellule cérébrale qui est son primum movens. Il n’y a pas en réalité de fonction organique qui échappe à l’influence du cerveau. C’est cette action du moral sur le physique, de l’esprit sur le corps, que le médecin doit utiliser pour obtenir des actes utiles à la guérison. Faire intervenir l’esprit pour guérir le corps, tel est le rôle de la suggestion appliquée à la thérapeutique.

« La thérapeutique suggestive est donc basée sur cette propriété qu’a le cerveau, en tant qu’Organe psychique, de chercher à réaliser les idées acceptées par lui. Ceci mène au côté pratique de la question, au modus faciendi. Il n’y a suggestion et acte réalisé par cette suggestion que si l’idée est acceptée par le cerveau et si le cerveau peut la réaliser. Or, dans l’état normal, toute idée n’est pas acceptée et toute idée, même acceptée, même réalisable, n’est pas réalisée. Si je dis à quelqu’un : « vous ne pouvez pas remuer votre bras », ce quelqu’un ne me