Page:Revue pour les français, T1, 1906.djvu/211

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
149
UNE EXCURSION À MACAO

Le territoire de Macao, péninsule étroite que complètent les îlots de Taïpa et Colovane, est la plus vieille des colonies européennes d’Extrême-Orient. Les Portugais l’occupent, depuis l’an 1557, en qualité de locataires du Céleste Empire. Depuis 1849 ils n’ont pas payé leur loyer — 500 taëls par an — et font la sourde oreille aux réclamations des Chinois qui prétendent les mettre dehors. Ils y vivent de souvenirs, et tiennent sans doute à conserver comme une relique ce témoin de leur puissance éteinte.

Ce fut jadis un port considérable, entrepôt général du commerce de l’occident avec la Chine et le Japon, principal centre du trafic de vies humaines connu sous le nom de « traite des jaunes » ; Hongkong s’est développée à ses dépens et l’a depuis longtemps supplantée. Foyer de l’expansion catholique en Extrême-Orient, Macao continue d’abriter en ses murs délabrés les supérieurs des principales missions.

On l’a vite parcourue : avec ses dépendances elle ne couvre pas deux hectares ! Le quartier chinois, bruyant et animé, renferme 80.000 âmes ; la ville européenne, endormie, quasi-morte, semble beaucoup trop vaste pour les cinq milliers de Portugais et de Macaïstes qui l’habitent.

Après une visite aux ruines de l’Église Saint-Paul — San Paolo — édifice du xvie siècle, bâtie sur la hauteur, où l’on accède par une série d’escaliers monumentaux, nous allons à la cathédrale. C’est la fête de l’Assomption. La basilique s’emplit pour la messe solennelle de onze heures à laquelle doit assister la garnison portugaise, état-major et musique en tête. Cérémonie imposante, croyez-vous ? Pas du tout. La foule est distraite, la fanfare joue des airs d’opéra, des fantaisies, jusqu’à des valses, et les soldats ont l’allure de figurants de théâtre ! C’est une parodie ridicule des offices catholiques d’autrefois. Nous nous sentons gêné dans cette église. Sous le regard railleur du Chinois qui nous accompagne, nous souffrons dans notre amour-propre. Et la célébration s’achève sans un seul témoignage d’émotion, sans une minute de recueillement de la part de cette masse de badauds, convertis de fraîche date, sans doute, et chrétiens sans savoir pourquoi.

Nous courons à présent chez Bouddha. Dans une petite pagode voisine de la porte de Chine qui délimite la concession, une jeune femme chinoise vient d’entrer avec sa servante, un panier à cha-