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REVUE POUR LES FRANÇAIS

concevait pas qu’ayant une formule gouvernementale et des principes directeurs en opposition avec la formule et les principes allemands, les Français pussent prospérer, se fortifier, nouer des alliances ; la notion de leur décadence obligatoire s’imposait quotidiennement à lui et il se mettait en colère lorsque les événements l’obligeaient de noter quand même quelque succès à l’actif de la puissance française. Cela lui fit commettre de nombreuses sottises et très probablement, dans l’affaire marocaine, il contribua fortement à mener les choses au pire. De toutes façons, la retraite de M. de Holstein est un bon débarras pour l’Allemagne ; il était myope, têtu et vaniteux et ce sont là précisément des défauts qui entraîneraient bien vite ce grand pays à l’abîme si l’on continuait, outre Rhin, de les apprécier et de les cultiver comme on le fait depuis quelques années.

Au Sinaï et au Natal.

L’Angleterre a pas mal d’affaires sur les bras ; comme ses bras sont solides et qu’ils ne fléchissent pas, on s’abstient au dehors d’y prendre garde. On ne fait attention qu’à la querelle turque et, à vrai dire, c’est par là qu’il convient de commencer un bref examen des litiges actuels. Voilà de quoi il s’agit. La Turquie se construit un chemin de fer qui va actuellement de Damas à Maan et qu’elle entend pousser ensuite jusqu’à Médine et à la Mecque ; ces villes saintes ne sont pas près d’être atteintes par les locomotives d’Abdul Hamid. Mais, en attendant, il suffirait d’un petit embranchement de Maan au golfe d’Akabah pour permettre d’y embarquer des troupes turques à destination de l’Arabie sans avoir à passer par Suez. Mais la presqu’île du Sinaï qui s’étend entre les golfes de Suez et d’Akabah dépend de l’Égypte. Il y a 15 ans, à l’avènement du khédive Abbas, on avait bien eu soin à Constantinople d’en émettre la mention dans le firman d’investiture. Mais lord Cromer s’en étant aperçu avait signalé le fait et le sultan avait dû simuler une omission involontaire… L’action ottomane d’aujourd’hui est donc injustifiable et l’ultimatum d’ailleurs modéré qu’a formulé l’Angleterre sera suivi d’effet. Les deux seuls points importants à noter jusqu’ici c’est que la main de l’Allemagne se découvre au fond de cette intrigue et que, d’autre part, la Russie