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REVUE POUR LES FRANÇAIS


Vers l’indépendance

Alliés aux Bulgares dont la puissance avait décliné et qui rêvaient de la reconstituer telle qu’elle brillait au temps de leur tsar Siméon, les Roumains tinrent en échec les forces de Byzance. En 1190 ils battirent l’empereur Isaac l’Ange. Quatorze ans plus tard, leur souverain Johannitza ayant fait sa paix avec le pape réussissait à se faire couronner à Tirnovo par le légat pontifical. Et l’année suivante (1205) il repoussait les troupes de l’empereur latin Baudouin qui avait commis l’insigne maladresse de refuser son alliance. À cette époque, la Valachie et la Moldavie commençaient à se distinguer l’une et l’autre, à avoir des politiques séparées et parfois contraires. La première réalisa sous Radu ii (1377) une autonomie absolue. Mircea ier, un de ses successeurs, annexa la Dobroutcha et la Bessarabie. Mais pas plus qu’Étienne le Grand en Moldavie, il ne réussit à protéger contre le flot montant de l’invasion turque l’indépendance nationale.


Le projet du roi de France

La Valachie tomba la première vers 1462 ; la Moldavie résista jusqu’à la mort de Pierre Rarèche dont la fille, la riche princesse Kiajna, soutint avec Pierre Cercel cet étrange duel financier dont les péripéties semblent empruntées aux aventures des milliardaires yankees du xixe siècle. Il fallait désormais pour régner l’investiture du sultan ; elle était au plus offrant. Kiajna et Cercel accablèrent le turc de cadeaux étourdissants grâce auxquels ils purent exercer à tour de rôle le pouvoir convoité par eux et qui était devenu pourtant aussi précaire que limité. Ce Cercel nous intéresse particulièrement, nous autres Français car Henri iii le protégeait ; ce prince, avant d’être appelé au trône de France par la mort de son frère, avait été le souverain élu de Pologne. Et certes son talent en cette qualité n’avait guère brillé ; il avait paru aussi peu capable de comprendre son rôle que de l’interpréter. Malgré qu’il eût, en fin de compte, fui ses sujets de hasard apparemment sans esprit de retour, l’idée lui était restée d’un grand royaume oriental qui se développerait sous l’égide de la France. Et prématuré et superficiel qu’il fût, ce plan n’était pas sans valeur au point de vue politique. S’il eût pu être réalisé, toute l’Europe s’en fut ressentie.