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REVUE POUR LES FRANÇAIS

l’empereur Joseph ii l’étouffa dans le sang. Puis commencèrent les guerres turco-russes, chacune entraînant une occupation des principautés avec tout ce que ce mot implique de vexations et de pertes matérielles. De 1808 à 1812 et de 1828 à 1834, la Moldavie et la Valachie, complètement soustraites au pouvoir ottoman, demeurèrent aux mains des Russes. Et lorsque ceux-ci les évacuèrent, la domination du sultan ne fut restaurée que partiellement. À chaque fois les liens de vassalité se trouvèrent perdre de leur importance. Par contre les Russes, en 1812, gardèrent pour eux la Bessarabie et, en 1834, imposèrent une administration de leur choix… En ce temps-là les paysans roumains, tenanciers et corvéables, vivaient sur les grands domaines de la plaine dont les propriétaires, trop souvent, ne surveillaient pas eux-mêmes l’exploitation ; les montagnes étaient couvertes de forêts désertes. Le peuple des campagnes vivait ainsi misérable et somnolent. Mais Jassy et Bukarest avaient recueilli l’écho du mouvement de rénovation dont, vers la fin du xviiie siècle, les prélats roumains de Transylvanie s’étaient faits les initiateurs, au nom du grand passé latin.


Le réveil

Bukarest, en ce temps-là, était déjà une capitale ; elle avait, dit-on, 100.000 habitants, des théâtres, des journaux. C’était un îlot de culture occidentale au milieu de l’orient retardataire. L’influence française s’y était puissamment développée et l’amour de la France y devenait le symbole des aspirations nationales. La nouvelle de la Révolution de 1848 sonna comme un tocsin. Les nobles moldaves réclamèrent une constitution ; ceux de Valachie, plus expéditifs, organisèrent un gouvernement provisoire. Pour une fois, Turcs et Russes se trouvèrent d’accord ; les premiers marchèrent sur Bukarest et les seconds sur Jassy. Le traité de Balta-Liman (1849) conclu entre les envahisseurs consacra la défaite de l’insurrection. Mais, cinq années plus tard, l’armée française débarquait en Crimée et la question balkanique se trouvait portée au premier plan des préoccupations européennes. Le congrès de Paris (1856) eut à décider du sort des principautés ; il les plaça sous la garantie collective des puissances. Le sultan se contenterait d’un tribut annuel, seule épave de sa suzeraineté d’autan. Une partie