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LES PRÉCURSEURS DE LA PUISSANCE ANGLAISE

que ses efforts pour convertir son époux ne s’étaient point ébruités. S’il y avait eu sur le trône une seconde Élisabeth, catholiques, puritains, anglicans, presbytériens auraient pu vivre en assez bonne harmonie. Mais les Stuarts n’étaient pas des « insulaires ». Sans cesse ils regardaient au delà des frontières pour y chercher des exemples ou des amitiés ; on devinait qu’à la première occasion ils provoqueraient une intervention armée. Dès 1646, Mazarin pour cette raison prévoyait la république et s’en alarmait. Or ce ne fut pas une république qui vint, ce fut un soldat populaire à qui l’on demanda d’incarner l’Angleterre nationale bien plus que de consolider l’Angleterre protestante. Aussi Cromwell se montra-t-il à la fois tolérant et belliqueux.

Pendant les premières années de son règne — car il régna vraiment sous des titres divers, ses troupes bataillèrent en Irlande puis en Écosse, cependant que ses vaisseaux donnaient la chasse aux royalistes qui occupaient Jersey, Man, les Scilly et quelques ports d’Irlande. On peut alléguer que cette guerre-là était nécessaire, qu’il s’agissait de rebelles à dompter, d’un régime nouveau à établir. Mais, à partir de 1652, ce régime, déjà reconnu par l’Espagne, l’était également par la France. Mazarin avait mis les pouces et son envoyé reçu en audience solennelle avait déclaré que « l’union qui doit exister entre deux États voisins ne dépend pas de la forme de leurs gouvernements ». Rien à craindre, par conséquent de l’étranger ; d’autre part, la réorganisation intérieure commencée en 1648 (avant même la mort de Charles ier) par l’épuration du Parlement était sur le point d’être achevée. Pourquoi donc faire la guerre à la Hollande puis deux ans après à l’Espagne et puis au Danemark ? La difficulté n’était pas de trouver des motifs de querelle ; on en trouve toujours. La difficulté était d’en trouver de bons ; il n’en existait pas. Que signifie cette mission remplie par Blake dans la Méditerranée à la tête de vingt cinq navires ? Il menaça Naples, força le pape et le grand duc de Toscane à lui payer des indemnités pour quelques dommages causés à des marchands anglais ; après quoi, il bombarda Tunis et termina par des démonstrations belliqueuses devant Venise, Malte, Toulon et Marseille. Cromwell prépara ensuite l’attaque de Saint-Domingue et imposa un traité à Jean iv de Portugal.

Notons qu’en 1649, les Portugais du Brésil irrités contre les Hollandais les chassaient de chez eux. C’était une belle occasion d’intervenir et d’acquérir des débouchés avantageux et des terri-