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LES PRÉCURSEURS DE LA PUISSANCE ANGLAISE

grand électeur, le duc de Brunswick et les représentants des Habsbourg et du Souverain pontife.

Assurément ce qui s’est passé en France en 1830 a fortement contribué à accréditer la légende du libérateur appelé par les Anglais pour les délivrer du droit divin et y substituer le libéralisme constitutionnel. Que tel ait été le résultat final, la chose est claire ; il y a d’autant moins à s’en étonner que la maison d’Orange était, si l’on peut ainsi s’exprimer, rompue à la pratique d’un pareil régime ; seule au monde elle pouvait, à cette époque, fournir un souverain qui ne crut pas décheoir en acceptant que son pouvoir fut limité par les droits de ses sujets et contrôlé par leurs mandataires. Mais cette besogne, Guillaume la fit par surcroit, le plus souvent inconsciemment et, à de certains moments, semble-t-il, contre son gré. Ce n’était pas pour cela que l’Europe l’avait poussé ; elle voyait en lui l’ennemi de Louis XIV et ce point de vue primait tout le reste.

La révolution s’accomplit en six semaines, facilitée par l’indifférence de la nation, indifférence à laquelle se mêlait un peu de mauvaise humeur contre Guillaume, tant à cause de sa qualité d’étranger qu’en perspective de la guerre avec la France, résultat inévitable de son accession au trône anglais. L’Irlande par contre se déclara en faveur de Jacques. La situation du nouveau roi était donc assez critique ; il s’en tira par son énergie. Il prononça la dissolution du parlement que déchiraient de violentes querelles entre whigs et tories, puis à la tête d’une armée composée en grande partie de mercenaires continentaux, il passa en Irlande et remporta la victoire de la Boyne qui contrebalança heureusement l’effet produit par le succès de la France à Beachy Head et sa mémorable victoire de Fleurus sur les Hollandais. Deux ans plus tard, la bataille de la Hague vint fort à propos consolider le pouvoir encore chancelant de Guillaume. Enfin, le traité de Ryswyck termina en 1697 cette période de troubles intérieurs mais n’amena pas ce que les Anglais avaient espéré : la paix, le licenciement de l’armée et un gouvernement économe. Une guerre commençait qui allait durer près de cent cinquante ans, coupée çà et là par de rares périodes de repos. On les eût fort surpris en leur disant que cette guerre ne serait point imposée à la nation mais bien consentie par elle. Rendue d’abord nécessaire par les agressions de Louis XIV, elle devint par la suite utile au commerce britannique ; on la poursuivit par intérêt ; plus tard le point d’honneur et l’esprit belliqueux