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REVUE POUR LES FRANÇAIS

malgré que l’opération mal faite — sorte de désarticulation du poignet qui dure parfois plus d’un quart d’heure — soit extrêmement douloureuse, se contentant d’aller, sans proférer la moindre plainte, tremper son moignon sanglant dans l’eau chaude pour le cautériser. » Cette endurance physique est une preuve de caractère, une preuve de supériorité, par conséquent : les brutes sont généralement lâches.

Les Éthiopiens — n’est-ce pas encore un autre signe de race ? — ont le goût de la propreté. Nous savons bien qu’ils ne sont pas toujours propres, mais c’est la plupart du temps parce qu’ils n’en ont pas les moyens : dans leur pays, le savon est un objet de luxe. Il est d’ailleurs curieux d’observer que la saleté chez eux est signe de deuil. Lors de la mort récente du ras Makonnen, un des premiers personnages de l’État, on a vu chacun d’eux s’habiller de ses vêtements les plus sales. Ceux qui, par hasard, n’en avaient pas, en ont sali pour l’occasion. Ce fait témoigne qu’ils considèrent bien la saleté comme un état exceptionnel et anormal.

Les vêtements Éthiopiens sont très simples, bien que décents, et, chose remarquable, ne diffèrent pas du riche au pauvre. Le grand seigneur, comme le mendiant, va pieds-nus. Le très grand seigneur porte parfois un manteau de soie au lieu d’un manteau de laine, et se couvre d’un large chapeau. Tous ont au cou une croix passée dans un cordon bleu : signe de chrétienté.

Leurs logis sont très primitifs : ce sont des cases, non des maisons, bâties la plupart du temps en terre crue mêlée de paille hachée. L’Empereur lui-même vient seulement d’ordonner la construction, pour son usage, d’un palais à l’européenne.

Même simplicité dans la nourriture. Les Éthiopiens sont remarquablement sobres. Leur grand régal est la viande crue. Résultat : tous ont le ver solitaire et l’évacuent par habitude tous les trois mois au moyen d’une purge énergique à base de kousso — ce vermifuge irrésistible abonde en leur pays.

Le repas national se compose d’une galette de céréales — l’endjerah — agrémentée d’une sauce très épicée, de bière d’orge, et d’hydromel. Ils aiment encore le lait caillé, si justement prisé par le professeur Metchnikoff.

Faut-il vous parler de leurs mœurs ? Des gens qui mangent si peu, qui vivent simplement, ne sauraient être grossiers. La courtoisie est de règle parmi eux. Leur principal défaut, c’est la paresse.

Le calendrier éthiopien — qui, soit dit en passant, retarde de