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NOTRE SŒUR ROUMAINE


Dernières luttes

La France était trop loin, la Turquie était trop près. Les Roumains, abandonnés à leurs propres forces, affaiblis plutôt qu’aidés par leurs voisins les Polonais et les Hongrois qui auraient dû tout subordonner à la nécessité de tenir en échec la puissance ottomane, ne tardèrent pas à succomber. Ce ne fut pas du moins sans s’être couverts de gloire. Après les brillantes mais inutiles victoires remportées par Jean-le-Terrible, prince de Moldavie (1572-1574), une suprême espérance germa sous les pas de Michel-le-Brave, prince de Valachie (1593). Ce héros réussit un moment à refaire l’unité roumaine en conquérant successivement la Transylvanie et la Moldavie (1600). Avec lui la résistance magnifique s’éteignit et la tristesse de la servitude pesa sur une race illustre.


Sous le joug

Un siècle durant, ce furent du moins à des hospodars nationaux que le sultan donna l’investiture et, par là, un semblant d’indépendance survécut dans l’administration des principautés. Puis on s’avisa à Constantinople de choisir des étrangers, le plus souvent des Grecs du Phanar qui achetaient leur charge pour peu de temps et, l’ayant payée très cher, pressuraient d’autant mieux les populations placées sous leur domination. Il serait injuste, toutefois, de méconnaître l’importance de cette période hellénique en ce qui concerne le développement intellectuel de l’aristocratie. Seulement entre le peuple, pour lequel rien ne se faisait, et les cours bigarrées de Bukarest et de Jassy, l’abîme allait se creusant chaque jour davantage ; on s’ignorait de plus en plus : la misère du corps et de l’esprit croissait par en bas ; la dénationalisation menaçait de s’opérer par en haut.

Des interventions se produisirent mais rarement heureuses et souvent compensées par de lourds sacrifices. En 1774, l’année que la Russie obligeait le sultan à ne changer les hospodars moldo-valaques que tous les sept ans, l’Autriche parvenait à se faire céder par lui la Bukovine. Or la Bukovine, avec Suczava la vieille capitale, c’était pour les Roumains une terre sacrée, un bien intangible. Pendant ce temps, une révolte éclatait en Transylvanie causée par la dureté du servage ; elle dégénéra en jacquerie et