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ne saurait le nier. Reste à savoir si un lien sérieux existe entre les diverses manifestations par lesquelles se traduit cet état de choses ; reste à savoir surtout si une organisation d’ensemble en peut sortir ; il n’y paraît guère ; les faits sur lesquels certains s’appuient pour le prétendre peuvent se classer en trois groupes : la révolte d’Arabie, le mouvement turcophile en Égypte, enfin les échauffourées de Tunisie et du Soudan et l’affaire de Djanet. En Arabie, le parti de l’indépendance ne recule pas. Depuis que ses exactions administratives et fiscales l’ont mis debout, les efforts de la Turquie pour l’abattre ont constamment échoué. Le chef de ce parti se proclame khalife et veut faire de La Mecque le centre de son pouvoir. Il n’est pas dit qu’il n’y parvienne pas. Au Caire, on se demande si l’influence allemande, représentée par le trop remuant et peu scrupuleux Max Oppenheim n’est pas pour quelque chose dans l’activité que déploie Mustapha Kamel pacha, lequel vise à refaire de l’Égypte « un vilayet turc. » Mais déjà le contraste qui s’affirme entre ces deux entreprises parallèles mais inverses enlève à la théorie panislamique beaucoup de force ; on cherche à ramener l’Égypte sous le joug du sultan de Constantinople à l’heure où l’Arabie commence à s’en émanciper ! Et combien le dernier dessein paraît facile à réaliser en comparaison du premier auquel s’oppose la formidable puissance de l’Angleterre. Sans compter qu’en les supposant tous d’accord — et ce n’est nullement le cas — les musulmans d’Égypte n’auraient pas à compter sur la sympathie et l’aide de leurs coreligionnaires indiens. Ils sont aux Indes plus de soixante millions de musulmans parfaitement satisfaits de l’Angleterre à laquelle ils déclarent, par avance, qu’en cas de conflit ils entendent demeurer fidèles. Si nous passons à l’Afrique française, en dehors de la scandaleuse occupation des oasis centrales par un corps ottoman dont la France a le devoir d’exiger la retraite immédiate, et cela dans l’intérêt même de la paix, il faut bien reconnaître que l’affaire de Thala, comme celle de Zinder ont été des incidents tout locaux auxquels la promptitude de la répression a enlevé beaucoup de leur portée. D’autre part, l’attitude énergique de ses troupes sur la frontière d’Algérie suggère aux populations marocaines le salutaire sentiment que la France est sortie à son avantage de la conférence d’Algésiras ; et c’est à cela que l’ordre doit de n’avoir pas été troublé en ces parages. Évidemment l’effervescence musulmane existe d’une façon générale d’un bout à l’autre de l’Islam et