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CHARLEMAGNE ET SON EMPIRE

venu au sommet où il se trouvait, l’empereur ne pouvait s’en tenir à cette conception simpliste du progressisme humain : il avait le devoir de se préoccuper d’autre chose que de la loi morale et de travailler à établir solidement les fondements d’une société civile active et bien agencée. Il ne le tenta pas et il fit plus que de ne point le tenter. Il prépara de ses mains la destruction de son œuvre impériale. C’était la coutume franque — coutume déplorable d’ailleurs au point de vue national — que les États du souverain fussent partagés entre ses fils et certes ceux de Charlemagne étaient assez vastes pour se prêter à un tel partage. Mais l’empire, qui l’aurait ? Et comment celui auquel serait attribuée une telle charge pourrait-il l’exercer n’étant pas plus puissant que ses frères ? On demeure confondu en constatant qu’en l’an 806, six ans après son couronnement, Charlemagne procéda à un partage anticipé, réglant d’avance les parts égales de ses trois fils sans paraître se préoccuper de ce que deviendrait après lui la fonction impériale. Ce fut en 813 seulement que, n’ayant plus qu’un fils, il l’associa à son pouvoir et le fit reconnaître comme futur empereur. Ainsi le hasard s’était chargé seul de régler une si importante question.

Les successeurs de Charlemagne

L’empire de Charlemagne mit à s’effondrer le même temps qu’à se former : vingt neuf ans (771 à 800 — 814 à 843). Dès l’an 817 c’est-à-dire trois ans après son avènement, Louis le Débonnaire procéda à son tour à un partage entre ses fils Lothaire, Pépin et Louis. Du moins prit-il soin de spécifier que Lothaire serait empereur et qu’il conserverait une certaine suprématie sur ses frères pourvus l’un de l’Aquitaine, l’autre de la Bavière. Précautions illusoires du reste mais dont Louis le Débonnaire ne laissa bientôt rien subsister car, ayant eu de sa seconde femme Judith de Bavière qui le dominait entièrement, un quatrième fils, Charles, il attribua à ce dernier l’Alamanie et la Bourgogne. Le parti impérialiste (car il y avait un certain nombre de partisans d’une unité impériale sérieuse) se groupa autour de Lothaire. Un moment Louis fut déposé et son fils régna à sa place ; six mois plus tard il était rétabli. Quand il mourut en 840 au lendemain d’un nouveau partage aussi déraisonnable que les précédents, Lothaire fit une tentative pour s’emparer de la totalité de l’héri-