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CHARLEMAGNE ET SON EMPIRE

l’entreprise carlovingienne et d’élucider certains problèmes historiques qui ont eu une répercussion inattendue sur les événements de l’époque contemporaine.

Il est indiscutable que le saint empire ne soit issu de celui de Charlemagne tout comme ce dernier découlait de l’empire romain. Si le monde romain avait continué d’être gouverné par une république consulaire et si la conception césarienne n’avait pas prédominé, Charlemagne aurait sans doute accompli la même besogne comme roi des Francs, mais sans rechercher une pourpre que nul n’aurait eu l’idée d’inventer pour lui. De même Othon n’aurait jamais songé à s’en aller chercher à Rome une couronne impériale qui ne procurait en somme aucun pouvoir défini s’il n’avait, en ce faisant, suivi l’exemple d’un prince illustre dont la légende ne cessait de grossir les exploits et d’accroître la renommée. Ces attaches sont très visibles de part et d’autre. Quand bien même Charlemagne ne se « césarisa » qu’avec une certaine hésitation et un certain trouble, quand bien même il ne délaissa ni le langage ni les coutumes des Francs pour adopter les habitudes des empereurs romains, il considérait ces derniers comme ses « prédécesseurs » et se faisait officiellement qualifier Imperator Augustus ; il n’est pas jusqu’à son projet d’épouser l’impératrice d’Orient, Irène[1] pour rétablir ainsi entre ses mains et à son profit l’ancienne unité romaine qui n’indique de façon évidente à quel point son empire, à ses yeux, se rattachait à celui d’Auguste et de Trajan.

Les sentiments des empereurs germaniques ne sont pas moins explicites. Othon ier et Othon ii ne s’y attardèrent pas mais Othon iii mit autant d’insistance à rappeler les souvenirs du « grand empereur Charles » qu’à se glorifier lui-même. Frédéric Barberousse, un siècle et demi plus tard, devait renchérir encore sur les théories d’Othon iii. Il se déclarait empereur des Francs et prétendait germaniser la figure, les actes et tout l’héritage de Charlemagne.

Tels sont les rapports entre les trois empires : celui d’Auguste, celui de Charlemagne, celui d’Othon. Ils sont nés l’un de l’autre. Mais entre eux nulle autre ressemblance n’existe. Tout rappro-

  1. Ce projet n’eut pas de suite parce qu’Irène fut renversée par Nicephore Phocas qui se proclama empereur. Nous avons dit plus haut au moyen de quel crime abominable Irène, de régente était devenue seule souveraine. Charlemagne, en voulant l’épouser, ne semble pas y avoir regardé de si près.