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LA FRANCE COLONIALE

moins sèche, par sa population moins turbulente et plus accessible au progrès.

La colonisation française s’y est développée avec une rapidité étonnante qui s’explique dans une large mesure par la modération avec laquelle nous avons exercé notre influence sur le pays. En conservant de l’ancien régime indigène tous les rouages compatibles avec l’œuvre nouvelle que nous prétendions accomplir, nous avons assuré à la Tunisie une tranquillité durable ; en lui accordant une administration autonome, nous lui avons permis de se développer à l’abri des influences fâcheuses qu’a souvent exercées sur le gouvernement de nos colonies notre politique intérieure. Les résultats acquis prouvent l’excellence de ce système.

En 1881, le commerce total de la Régence se chiffrait par 23 millions de francs ; il dépasse aujourd’hui 160 millions. Le pays est méconnaissable à ceux qui l’ont parcouru il y a vingt ans.

La mise en exploitation du sol s’est effectuée tout autrement qu’en Algérie. Au lieu d’une masse de petits agriculteurs vivant sur leurs terres, nous y trouvons surtout de grands propriétaires, souvent absents, exploitant leurs domaines par l’intermédiaire de régisseurs, employant un grand nombre d’ouvriers à gages. Ainsi s’est constitué en Tunisie un prolétariat européen dont l’importance augmente sans cesse, circonstance peu favorable à l’émigration de colons français. Sur 131.000 Européens fixés en Tunisie, nous trouvons seulement 28.000 Français contre 86.000 Italiens et 12.000 Maltais.

Ces conditions de peuplement sont dangereuses pour la France. Sans doute, sur 712.000 hectares de terres en culture appartenant à des Européens, les Français en possèdent 628.000, ils ont en mains les capitaux et accaparent les entreprises, leur rôle économique est primordial. Il n’en est pas moins vrai que l’élément étranger les submerge, supplée à la valeur par le nombre et finira par acquérir à leurs dépens la prépondérance sociale. Il est bien difficile d’exercer notre action nationale sur ces masses et d’en former une société française d’idées. L’administration y travaille. Sans mériter le reproche d’exagération, nous pouvons dire que l’avenir de la Tunisie française demeure lié au succès de cet effort.