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L’ART CHINOIS

pente assez forte, atteint au milieu de la rivière son point culminant pour redescendre symétriquement sur l’autre berge. Leurs arcs de triomphe et leurs portes monumentales, telle l’entrée célèbre des tombeaux des Ming, se composent de traverses rigides reposant sur des piliers unis dépourvus de bases et de chapiteaux dignes de ce nom ; car, comme la voûte, la colonne leur répugne. Ce ne sont pas des colonnes qu’ils dressent pour soutenir leur éternelle toiture en forme de tente, ce sont des supports de bois ; la construction, en outre, n’ayant le plus souvent qu’un étage, l’origine pastorale s’affirme curieusement.

Le souci de la décoration s’exprime avec d’autant plus de force que les lignes témoignent de quelque pauvreté et de quelque monotonie. Les motifs accessoires abondent et l’emploi de couleurs éclatantes atteint presque l’abus. De jolis effets sont obtenus par le mélange de matériaux variés, briques, céramique, bois d’essences diverses. L’artiste chinois se plait dans les détails et s’y entend. Son imagination lui suggère seulement mille bizarreries animales, auxquelles il retombe toujours. Il ne sait pas représenter un dragon autrement que lançant du feu et roulant des yeux terribles ; la colère et la menace sont les sentiments qu’il fait exprimer aux bêtes dont il reproduit les formes, non sans les exagérer ou les modifier, au mépris de l’observation élémentaire. Peu d’ornements d’aspect géométrique : quelques-uns cependant, sortes de festons et de « grecques » que les Étrusques utilisèrent de leur côté et qui semblent provenir de motifs primitifs par lesquels on symbolisait les forces de la nature. C’est toujours vers les animaux et surtout le dragon, la licorne, le phénix, la tortue que son goût et sa tendance emportent l’artiste chinois. Il les prodigue.

Il fait de même pour les objets. Nous venons de dire qu’il était architecte stérile et décorateur abondant : par analogie, il est un sculpteur incapable mais un ciseleur remarquable. Les statues chinoises n’ont point d’expression, point d’idéal ni d’élévation ; la technique, si l’on fait exception pour certaines figurines de bois ou de pâte d’un très curieux réalisme, en est misérable. Aucune harmonie entre la silhouette qu’elles présentent et l’endroit pour lequel on les a faites. Mais dès qu’il s’agit d’ajourer du bois, du cristal, du jade, de composer le « bibelot » qui sera à l’intérieur de la demeure ce que les chimères et les dragons sont au toit et à la façade, la main-d’œuvre s’approche de la perfection. Sans doute