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REVUE POUR LES FRANÇAIS

vous étiez maire de Dieppe, patrie d’origine de ces braves gens, les petits Dieppois n’est-il pas vrai, lecteurs, ne tarderaient pas à lire sur un beau bloc de granit érigé au carrefour le plus populeux de la ville cette épitaphe collective si fière et si suggestive ? Quel est le peuple sensé qui ne se féliciterait d’en pouvoir graver de semblables au centre des places publiques ? Mais, chez nous, l’espace fait défaut ; les endroits disponibles étant retenus ou déjà occupés par les vétérinaires de l’humanité et les préparateurs de chimie sociale.

Le Moyne d’Iberville et Le Moyne de Bienville, longtemps oubliés sont aujourd’hui assez connus pour qu’il suffise d’évoquer leurs figures. Le premier, né en 1661 à Villemarie (Montréal) et mort de la fièvre à La Havane en 1706, remplit de ses exploits tous les recoins de la baie d’Hudson dont il commanda les forts après les avoir maintes fois défendus contre les Anglais et dans les eaux de laquelle il livra nombre d’audacieux combats. C’est là notamment que le 4 septembre 1697, avec le seul Pélican armé de 46 canons il attaqua trois vaisseaux anglais de force supérieure et réussit à couler l’un, à capturer le second et à mettre le troisième en fuite. Plus tard, il préluda à l’établissement de la domination française en Louisiane avec l’aide de son frère cadet. Celui-ci, Le Moyne de Bienville, eut une carrière plus longue et plus accidentée. Elle commença de bonne heure. À 13 ans, le jeune garçon était déjà garde-marine à Brest et à 17 ans il prenait part sous les ordres d’Iberville au combat du Pélican. À 18 ans, il partait de Brest avec le même d’Iberville pour aller reconnaître les bouches du Mississipi. La tâche qui l’attendait sur ces lointains rivages et à laquelle il devait consacrer presque exclusivement les quarante-cinq années de sa vie active comportait tout ce qu’exige d’initiatives diverses et ce qu’impose de fâcheux aléas la formation d’une colonie dont il faut conquérir le sol sur les indigènes et créer les ressources de toutes pièces. De déplorables vicissitudes vinrent cette fois en aggraver les charges. Successivement administrée par l’État, par le concessionnaire Crozat, par la compagnie des Indes et de nouveau par l’État, la Louisiane souffrit de la succession de ces régimes presque également défectueux. L’incurie de la métropole à son égard contribua à y développer le microbe