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Page:Ribot - La logique des sentiments, Félix Alcan, 1905.djvu/166

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LA LOGIQUE DES SENTIMENTS

sa matière ; elle les exprime par des successions et des simultanéités de mouvements, coordonnées et organisées en une petite action scénique ce qui a fait dire justement à Grosse que c’est « l’art créateur du mouvement » et que la danse exprime dans l’espace ce que la musique exprime dans le temps. En effet, pour l’analyse psychologique, cette création, d’un bout jusqu’à l’autre, de l’intérieur à l’extérieur, est faite d’éléments moteurs. Elle jaillit des tendances impulsives, des émotions expansives, mouvement du dedans ; elle se continue par les mouvements du dehors qui en sont l’objectivation et l’épanouissement. Une seule condition régit rigoureusement leurs combinaisons et agencements : c’est le rythme, régulateur suprême, observé par les primitifs avec une exactitude parfaite. On a soutenu que le plaisir que le rythme nous procure a une raison organique profonde (Darwin). « Une grande partie de nos mouvements, principalement ceux de la locomotion, sont rythmiques. En outre, toute excitation un peu forte du sentiment tend à se convertir en mouvements rythmiques, comme l’a fait observer Spencer. Gurney ajoute que l’excitation sentimentale est rythmique en elle-même. Le rythme du mouvement de la danse ne serait donc que celui des mouvements de la locomotion, augmenté, rendu plus énergique par l’excitation des sentiments[1]. » Quoi qu’il en soit de cette thèse, la danse, manifestation la plus élémentaire, la plus simple de la création affective, doit

  1. Grosse, ouv. cité, chap. viii.