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Page:Ribot - La logique des sentiments, Félix Alcan, 1905.djvu/71

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LES ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS

On s’étonne souvent de voir un esprit supérieur, rompu aux méthodes sévères des sciences, admettre en religion, en politique, en morale, des opinions d’enfant qu’il ne daignerait pas discuter un seul instant, si elles n’étaient pas les siennes. Mais ce désaccord intérieur paraîtra moins étrange et même explicable si on le rapproche de faits plus grossiers, qu’on juge plus impartialement, parce qu’ils n’ont qu’une valeur individuelle, — par exemple une passion aveugle : amour, avarice, ambition, qui demeure inaccessible à toutes les raisons, immuable parce qu’elle est enracinée dans l’individu et épuise sa sève tout entière. Les études contemporaines sur les caractères nous ont familiarisés avec ces esprits mal unifiés qui ont les deux logiques à leur service ; et nous découvrons ici, du même coup, l’une des causes essentielles de la différence entre ces deux logiques.

1o Le raisonnement intellectuel n’a qu’un but : connaître la vérité objective. Il est une adaptation aux faits (qualités, rapports ou signes qui les représentent). Bien que dans aucun raisonnement l’élément subjectif ne puisse être absolument éliminé, il est si faible, dans les cas corrects, qu’il est pratiquement négligeable. La fonction de la raison est d’unifier, tout au moins de systématiser. Elle anéantit toute contradiction, parce que si l’adaptation à l’objet est A, elle ne peut en même temps être non-A. J’omets les cas de devenir qui ont servi de fondement à la logique des contradictoires.

2o Le raisonnement émotionnel est une adaptation aux