Page:Ribot - Les Maladies de la volonté.djvu/98

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sistibles avec pleine conscience, nous voyons que cette subordination hiérarchique des tendances — qui est la volonté — se coupe en deux tronçons : au consensus qui seul la constitue s’est substituée une lutte entre deux groupes de tendances contraires et presque égales, en sorte qu’on peut dire qu’elle est disloquée[1].

Si nous considérons la volonté non plus comme un tout constitué, mais comme le point culminant d’une évolution, nous dirons que les formes inférieures de l’activité l’emportent, et que l’activité humaine rétrograde. Remarquons d’ailleurs que le terme « inférieures » n’implique aucune préoccupation de morale. C’est une infériorité de nature, parce qu’il est évident qu’une activité qui se dépense tout entière à satisfaire une idée fixe ou une impulsion aveugle est par nature bornée, adaptée seulement au présent et à un très petit nombre de circonstances, tandis que l’activité raisonnable dépasse le présent et est adaptée à un grand nombre de circonstances.

Il faut bien admettre, quoique la langue ne

  1. On pourrait montrer, si c’était ici le lieu, combien l’unité du moi est fragile et sujette à caution. Dans ces cas de lutte, quel est le vrai moi, celui qui agit ou celui qui résiste ? Si l’on ne choisit pas, il y en a deux. Si l’on choisit, il faut avouer que le groupe préféré représente le moi au même titre qu’en politique une faible majorité obtenue à grand’peine représente l’État. Mais ces questions ne peuvent être traitées en passant : j’espère leur consacrer quelque jour une monographie.