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ANALYSES. — WUNDT. Gehirn und Seele.

sont entre eux ; mais il y a là deux formes distinctes de la causalité, sans passage possible de l’une à l’autre. L’objet de la psychologie, c’est tout d’abord de rechercher les lois des événements internes. Mais comme la connexion des états de conscience dénote des conditions qui sont situées en dehors de la conscience, qui ne peuvent nous être données sous la forme d’états psychiques, la psychologie est souvent obligée de recourir aux recherches physiologiques et, là où le lien causal paraît interrompu dans l’expérience interne, de s’appuyer sur la connexion parallèle des faits physiques ; et c’est ainsi que la psychologie des sensations a besoin de la physiologie des organes des sens et que la connaissance « du mouvement des représentations dans la conscience est obligée d’avoir recours à la physiologie cérébrale ».

Si l’on recherche maintenant en quelle mesure l’étude des processus cérébraux peut nous aider à comprendre les faits d’activité psychique, on doit remarquer que, tout venant de la sensation, l’activité psychique est liée à des phénomènes sensoriels et par conséquent à des faits physiques. Mais il y a pour M. Wundt quelque chose qui ne peut être lié aux phénomènes physiologiques : c’est la propriété d’unifier les états de conscience, de former des jugements ; par exemple, cette pensée : « Le blanc n’est pas noir, » ne peut certainement pas se produire sans les états de conscience blanc et noir qui supposent eux-mêmes des états physiologiques ; « mais l’activité qui compare, qui réunit les états de conscience en un jugement négatif n’est pas contenue dans ces deux images, quoique, sans elles, elle soit incapable de s’exercer. »

À la fin de son travail, l’auteur, revenant à la question du début. « Quel est le siège de l’âme ? » fait remarquer « que, du point de vue de l’expérience externe qui considère l’espace et tout ce qu’il renferme comme réellement donné, il ne peut être question d’un lieu de l’âme, puisque nulle part l’activité spirituelle, comme telle, ne nous est donnée dans l’expérience externe. Nous ne rencontrons dans celle-ci que des phénomènes de mouvement, que dans certaines circonstances nous rapportons à un être spirituel. Il ne peut donc, à proprement parler, être question de localisations d’activités spirituelles, mais seulement d’une localisation de certains faits physiologiques que, comme faits d’expérience externe, nous voyons accompagnés de perceptions dans l’expérience interne. »

Mais, si nous examinons la question du point de vue de l’expérience intérieure, tout est fort différent. Le monde extérieur, avec la forme qui le contient, c’est-à-dire l’espace, dépend de notre façon de percevoir. Nous ne pouvons donc, de ce point de vue, parler d’un siège de l’âme, si nous entendons par ce mot le sujet immédiat de nos sentiments et de nos pensées, car l’âme n’est rien autre chose que ces pensées et ces sentiments auxquels, indépendamment des objets auxquels ils se rapportent et donnent une forme, nous ne pouvons attribuer ni forme, ni couleur, ni aucune qualité sensible.