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REVUE PHILOSOPHIQUE

tinuel retour, une conviction ferme qui semble se concilier avec une entière liberté de jugement : tels sont les caractères, tels sont les charmes de cette série d’études, à qui il n’a manqué, pour obtenir la même fortune que le Bacon, le Saint Anselme et l’Abailard, que d’être réunies en un seul volume et mises à la portée d’un public plus étendu.

Nous ne songerions donc pas à revenir sur un sujet qui semble épuisé, si un Écossais n’avait cru nécessaire d’y revenir lui-même et n’avait publié récemment une très volumineuse et très minutieuse étude « biographique, analytique et critique » sur la Philosophie écossaise. L’auteur, M. Mac Cosh, est à la tête d’un collège américain, à Princeton. Il s’est déjà fait connaître par plusieurs ouvrages de philosophie et d’apologétique. Sa réfutation de la théorie de l’évolution appliquée à la genèse de l’esprit (Les Intuitions de l’esprit) passe pour la seule tentative sérieuse faite dans les pays de langue anglaise pour lutter contre le courant d’idées de plus en plus dominant. Sa compétence philosophique est donc incontestable ; mais la philosophie n’est pas pour lui un but, c’est un moyen ; zélé chrétien avant tout, presbytérien fervent, il est principalement préoccupé, ici de défendre les « vérités fondamentales » qui sont comme les remparts extérieurs du dogme, là d’élever un pieux monument en l’honneur de l’Église presbytérienne d’Écosse, à qui la philosophie de ce pays a dû, suivant lui, ses génies les mieux inspirés et le plus pur de sa gloire. « Je suis fier, je l’avoue, dit-il, des éloges adressés à l’Écosse non seulement par Cousin mais aussi par Jouffroy et Rémusat. Mais ces philosophes n’ont pas vu, après tout, où gît la force particulière de la nation écossaise ; elle ne se trouve pas dans ses systèmes de philosophie morale, elle est dans sa religion, dont le caractère élevé de sa philosophie n’est que le reflet. » Animé par ce pieux désir, M. Mac Cosh s’est livré à des recherches patientes, et il a recueilli une multitude de lettres, de documents, de traditions qui font revivre l’Écosse du xviiie siècle et nous montrent par le détail les rapports multiples qui ont uni en effet l’Eglise et l’École, la théologie et la philosophie en cette époque et dans cette contrée. Ces cinquante monographies qui passent sous nos yeux les unes après les autres nous font elles mieux saisir que les articles de M. de Rémusat le mouvement philosophique écossais dans son ensemble ; la prétention de renouveler par le côté biographique une histoire très suffisamment connue en somme ne devait-elle pas nécessairement entraîner l’auteur à charger son livre d’une multitude de détails insignifiants ? Y avait-il opportunité enfin à rentrer de nos jours autrement que comme spectateur désintéressé