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LES CONSÉQUENCES PHILOSOPHIQUES DE LA PHYSIQUE MODERNE




La philosophie étudie les problèmes généraux qui naissent, non pas de telle classe de faits, mais de la réunion totale des données de l’expérience. Pour une philosophie établie selon les règles de la méthode scientifique, les résultats de toutes les sciences sont une base et un moyen de contrôle, de même que les faits immédiatement observés servent de base et de contrôle aux sciences particulières. Il en résulte que les découvertes faites dans un ordre quelconque d’études, lorsqu’elles ont le caractère de vérités générales, doivent exercer une action sur la philosophie. Cette règle de méthode est méconnue par les esprits spéculatifs qui ont la prétention de construire la science à priori, au moyen des données de la raison seule. La tentative est brillante, mais elle est chimérique. De tout système ainsi construit, on peut dire dans la langue de Corneille :

Et, comme il a l’éclat du verre,
Il en a la fragilité[1].

En réalité, toute philosophie sérieuse, qu’elle le sache ou qu’elle l’ignore, subit l’action du développement des sciences expérimentales. La théorie de Kopernik, par exemple, a puissamment agi sur les conceptions générales de la pensée. Elle a actualisé l’idée de l’immensité, du caractère infini de l’espace, idée qui existe virtuellement dans l’intelligence ; elle a aussi modifié dans ses applications la doctrine des causes finales. Un esprit initié aux découvertes de la physiologie moderne n’admettra pas volontiers la définition de M. de Bonald qui faisait de l’homme « une intelligence servie par des organes ». Les observations relatives à la connexion des phénomènes corporels et des phénomènes psychiques déterminent les vues avec

  1. Polyeucte, acte IV, scène II.